La bureaucratie grandit pour satisfaire les besoins grandissants de la bureaucratie grandissante.
Lao Tseu (Tao Te King)
Indépendamment des systèmes politiques, des types de gouvernements ou des partis au pouvoir, il existe deux sortes de sociétés. Dans la première, le citoyen est fondamentalement innocent et c’est à l’État de prouver, le cas échéant, sa culpabilité. Dans la seconde, le citoyen est naturellement coupable et c’est à lui qu’incombe la preuve de son innocence.
Dans la première, représentative de certains pays occidentaux avancés dans le domaine social, les relations entre l’État et le citoyen sont basées sur l’honnêteté et la parole du contribuable a une réelle valeur. Les interactions se font par le biais du courrier, du téléphone ou de l’Internet, la bureaucratie est réduite à sa plus simple expression, et les déplacements dans les bureaux administratifs sont très rares.
Dans la seconde, dont notre pays est un exemple académique, le citoyen plie sous le poids d’une bureaucratie écrasante. Il passe sa vie à ramasser des documents et à les présenter à l'Administration pour prouver que lui est bien lui, qu’il habite bien chez lui, que la femme qui vit chez lui est bien son épouse, que les enfants qui partagent le toit familial sont ses propres rejetons, qu’il est né à telle date et qu’il n’a jamais succombé à la tentation de la changer, que la personne chez qui il travaille est bien son patron, qu’il n'a jamais commis de délit (même s’il a eu l'intention d'en faire à chaque fois qu’il devait constituer un dossier), etc. Pour n’importe quelle raison, on le somme de fournir une quantité impressionnante de documents qui n’ont, souvent, aucune relation avec le sujet de la demande et dont les dates de péremption sont complètement arbitraires. Il arrive même qu’avant la fin de la constitution complète du dossier, certains documents perdent étrangement leur validité et tout doit être recommencé. Le mythe de Sisyphe dans sa plus grande splendeur!