Des langues et du sens à donner aux mots
« De quoi la société algérienne est-elle le nom ?» Tel est le thème présenté aux Débats d’El Watan samedi dernier.
Une thématique qui appelle à se demander comment nommer une société lorsqu’elle souffre du déni de sa culture. Lorsqu’une société nie sa richesse culturelle et linguistique, elle devient incapable de nommer les choses. C’est ainsi que le sociologue de l’université d’Oran, Rabah Sebaa, diagnostique une sorte d’amnésie collective ayant touché l’ensemble de la société algérienne du fait de ce déni qui s’apparente, dans le jargon psychanalytique, à une scotomisation. Nous nous devons, dit-il, de rétablir, comme le suggère le sage Chinois Confucius, le sens des mots. «Le moins que l’on puisse dire sur la société algérienne, c’est qu’elle ne se trouve pas dans un processus de rétablissement de ses mots, de ses paroles, de ses langues», note l’invité des Débats d’El Watan.
«Pour toute personne sensée, la société algérienne est plurilingue sauf pour les ossificateurs attitrés, dont la pensée est elle-même ossifiée et qui sont les premiers à brandir l’emblème de l’intérêt national», analyse le conférencier en expliquant que la question des langues, et plus globalement celle des cultures, a toujours été enserrée dans une sorte de gangue politico-idéologique qui se traduit par une double exiguïté se conjuguant soit au nom du particularisme soit au nom du nationalisme.
Une approche asphyxiante qui, à la longue, assèche le tissu vivant des langues et donc les condamne à mourir. Dans son exposé, Rabah Sebaa dissèque cette double exiguïté qui se nourrit elle-même d’une double volonté politique, dont la première est de nier la multilinguité et la multiculturalité de la société algérienne, et la seconde consiste en une dénégation qui entend fonder une homogénéisation culturelle ayant pour support une monolinguisation comme le pendant de la nation.