SILA 2011 : un si beau temps après la tempête

 

Je dois reconnaître, non sans un peu de gêne, que je suis en ces jours un homme ravi. Lucidement et foncièrement ravi. D’aucuns verront dans ce sentiment incongru qui soudainement me submerge, le signe manifeste d’une démence naissante, constat auquel je ne saurais leur en tenir grief. En effet, comment peut-on oser jubiler après avoir consacré les derniers mois à discourir de guerre, de bombardements, de mensonges, de deuils et de morts?

Cependant, vous conviendrez qu’en ces temps de grande instabilité dans le monde arabe, l’organisation d’une manifestation culturelle de grande envergure dans une de ses capitales a quelque chose de réjouissant. Vous l’aurez compris, je suis ravi par l’organisation et le déroulement de l’édition 2011 du Salon international du livre d’Alger (SILA), comparativement à celle, plus conflictuelle, de l’année précédente.

Tout d’abord, mon ravissement vient du fait qu’on puisse, en Algérie, feuilleter des livres et parler littérature pendant que certains bien-pensants aimeraient nous voir enfoncés dans les ténèbres de l’ilotisme.

Ravi, je le suis par la présence « pacifiée » des éditeurs égyptiens alors qu’il a fallu se battre bec et ongles, l’année dernière, pour qu’on daigne leur offrir une place [1]. Que d’encre a coulé, que de textes ont été rédigés, que de discours ont été prononcés et que d’insultes ont été proférées! Que sont-ils devenus ceux qui nous avaient traités de tous les noms tout en faisant témoigner le vénérable roi « Sheshonq » [2] ? N’est-il pas plus agréable de voir nos frères parmi nous, partageant pain, sel et culture?

À ce sujet, on ne peut rester insensible à la déclaration de la ministre de la Culture qui a affirmé  « qu’on ne peut pas imaginer un salon international du livre sans l’Égypte » [3]. Madame la ministre a dû comprendre que c’était exactement ce que nous clamions à nous égosiller, il y a de cela à peine une année. Mais, ce n’est pas le moment de faire la fine bouche : mieux vaut tard que jamais.

Ravi, je le suis aussi par le choix du Liban comme invité d’honneur de ce 16e SILA. Un autre pays arabe où le livre jouit d’un statut particulier. Et que penser de cette louable  initiative de la création d’une maison d’édition algéro-égypto-libanaise [4]? Un véritable « printemps arabe ». Mais culturel, celui-ci.

Ravi, je le suis surtout en pensant à ces milliers de visiteurs qui auront l’occasion de flâner dans les allées du salon, de rencontrer des auteurs, de découvrir de nouveaux horizons littéraires, d’acheter des livres et de s’y perdre entre les pages.

Il est vrai que le livre délivre [5]. Il délivre de l’ignorance et de l’illettrisme, aussi bien que du chauvinisme et de l’irrationalité. Mais le livre enivre, élargit notre réel, donne des ailes à notre imagination, de la consistance à nos songes et de la couleur à nos rêves.

Un peuple qui n’écrit pas et ne lit pas, est un peuple mort. Alors, essayons de rester vivants.

 

Références

  1. Ahmedbensaada.com; «Appel pour la levée de l’interdiction de SILA infligée à la littérature égyptienne », 21 août 2010.
  2. Ahmed Bensaada, « Égypte-Algérie : où sont passées les colombes? », Le Quotidien d’Oran, 13 décembre 2009.
  3. Le Quotidien d’Oran, « Salon international du livre d'Alger: C'est Bouteflika qui choisit l'invité d'honneur », 22 septembre 2011.
  4. SILA-Dz; « Ouverture officielle du 16e SILA », 21 septembre 2011.
  5. Slogan officiel du SILA 2011.

 


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