Société

Il y a pire que de ne pas être informé: c’est penser l’être

 

Scandale au pays de l’érable !

TransCanada, une compagnie canadienne spécialisée dans le transport du pétrole et du gaz, cherche à obtenir coûte que coûte un mégaprojet de 12 milliards de dollars. Il s’agit d’un projet de pipeline de 4600 km susceptible d’acheminer le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta vers l’Est du Canada, via le Québec.

Le pipeline du projet Énergie Est

 

Devant une opinion publique québécoise réticente, TransCanada a fait appel à Edelman, le géant américain des relations publiques en lui donnant comme mission d’élaborer une stratégie de « vente » du projet à l’opinion publique de la « société distincte » du Québec.

Les documents secrets élaborés par Edelman se sont retrouvés, grâce à un informateur anonyme, dans les mains de Greenpeace qui les a transmis aux médias.

La centaine de pages exposant la stratégie Edelman contient des méthodes jugées très déloyales par certains observateurs, « aussi sales que leur pétrole » selon d’autres.

 

La soirée électorale québécoise du 7 avril 2014 a été surréaliste. Le Parti québécois (PQ),  formant un gouvernement minoritaire au pouvoir depuis 18 mois a décidé de déclencher des élections pour obtenir une majorité parlementaire. Non seulement, ce parti a subi une cuisante défaite au profit du Parti libéral du Québec (PLQ), mais son leader, Pauline Marois, Première ministre en poste, n’a même pas été élue dans ses « terres »! Le tsunami libéral a permis au PLQ d’obtenir 70 sièges contre 30 pour le PQ alors qu’aux élections précédentes (2012), le PLQ n’en possédait que 50 (contre 54 au PQ).

Cette « raclée » démocratique peut être expliquée en partie par l’inexorable glissement du PQ vers la droite de l’échiquier politique alors, qu’à l’origine, il se revendiquait du centre gauche. Ce glissement s’est récemment accéléré avec la candidature de Pierre-Karl Péladeau, un homme d’affaires milliardaire et magnat de la presse québécois, surtout connu dans le milieu des travailleurs comme « casseur de syndicats ». Présenté comme candidat vedette du PQ, sa venue n’a pas du tout été appréciée par l’électorat ouvrier de ce parti.

Le compte-rendu des récentes élections québécoises, publié le 9 avril 2014 par le journal algérien El Watan [1], comporte plusieurs éléments qui peuvent s’apparenter à de la pure désinformation.

Tout d’abord, il y a le titre. Quand on proclame que « le Parti québécois (PQ) entraîne dans sa chute les candidat(e)s d’origine algérienne », on sous-entend que ces candidat(e)s auraient pu être élu(e)s si ce n’était la débâcle du Parti québécois (PQ). Or, il n’y a rien de plus faux. En effet, deux des quatre candidats algériens, en l’occurrence Rachid Bandou et Djemila Benhabib, ont été battus il y a 18 mois, lors des dernières élections provinciales, alors que le PQ avait obtenu plus de sièges que le Parti libéral du Québec (PLQ). Les deux autres candidates, Yasmina Chouakri et Leila Mahiout, en étaient à leur première expérience électorale et ce, dans des bastions libéraux si bien organisés qu’il aurait été impossible de les conquérir, même en cas de large victoire péquiste.

La prolifération des sites d’information dans le paysage médiatique algérien a été sans nul doute bénéfique pour la liberté d’expression, la confrontation d’idées et les débats constructifs. Cependant, ce foisonnement n’a malheureusement pas toujours été accompagné de l’éthique nécessaire à l’établissement de médias professionnels, respectueux de  la déontologie et des droits d’auteur.

Ainsi, tels des Thénardier faisant fortune en détroussant les morts, certains d’entre eux se repaissent de tout, même de nécrologie, pour assouvir leur faim de polémiques fictives, quitte à les créer de toutes pièces. Et au lieu d’utiliser une réelle démarche journalistique pour au moins donner un semblant de véracité à leur propos, ils distribuent calomnies et diffamations sans avancer un seul argument ni la moindre preuve.

Pis encore, certains journaleux œuvrant dans ces sites usent et abusent du copier-coller, plagiant des textes déjà publiés et signés par des journalistes professionnels ou des bloggeurs soucieux de la qualité de leur travail.

Un exemple « pédagogique » de telles pratiques est visible dans un article pompeusement intitulé « Morts dans l’anonymat au Canada : consulat démissionnaire » qu’on peut lire sur le site Algérie-Express, sous la signature de Nassima Belaid (un pseudonyme?) en date du 8 février 2014 [1].


Slawomir MROZEK

 

Dans ma chambre le lit se trouvait ici, l’armoire là, et entre les deux il y avait la table.

Jusqu’au jour où j’en eus assez. Je déplaçai le lit là, et l’armoire ici.

Pendant un certain temps je sentis couler en moi un courant novateur vivifiant. Mais au bout de quelques jours… l’ennui revint.

J’en tirai la conclusion que la source de mon ennui était la table, ou plutôt sa position immuablement centrale.

Je poussai donc la table là, et le lit au milieu. De façon anticonformiste.

Cette seconde nouveauté me redonna de la vitalité, et tant qu’elle dura, j’acceptai la gêne anticonformiste qu’elle occasionnait. En effet, je ne pouvais plus dormir maintenant le visage tourné vers le mur, ce qui avait toujours constitué ma position préférée.

Au bout d’un certain temps, néanmoins, la nouveauté cessa d’être nouvelle, et seule subsista la gêne. Dans ces conditions, je poussai le lit ici, et l’armoire au milieu.

Cette fois, le changement fut radical. En effet, l’armoire au milieu de la chambre, c’était plus que de l’anticonformisme. C’était de l’avant-garde.

Au bout d’un certain temps, néanmoins… Ah, ce maudit « certain temps » ! Bref, même l’armoire au milieu de la chambre cessa de me paraître quelque chose de nouveau et d’inhabituel.

Il convenait d’opérer une cassure, de prendre une décision fondamentale. Si, dans le cadre ci-dessus défini, aucun véritable changement n’était possible, il importait de sortir complètement de ce cadre. Dès lors que l’anticonformisme se révélait insuffisant, dès lors que l’avant-garde ne donnait aucun résultat, il fallait accomplir une révolution. Je pris la décision de dormir dans l’armoire. Tous ceux qui ont essayé de dormir debout dans une armoire savent qu’avec une telle absence de confort on est absolument assuré de ne pas trouver le sommeil, sans parler de l’exténuation qui s’empare des jambes, et des douleurs dans la colonne vertébrale.

Oui, ce fut la bonne décision. Succès, victoire complète. Car, cette fois-ci, même le « certain temps » n’eut aucune prise. Au bout d’un certain temps, non seulement je ne m’habituai pas à mon changement, c’est-à-dire que le changement demeura changement, mais au contraire, je ressentis ce changement avec de plus en plus d’acuité, car la douleur allait croissant à mesure que le temps passait.

Tout aurait donc été pour le mieux, n’eût été ma résistance physique, qui s’avéra limitée. Une certaine nuit, je n’y tins plus. Je sortis de l’armoire et m’allongeai sur le lit.

Je dormis trois jours et trois nuits. Après quoi je poussai l’armoire contre le mur, et la table au milieu, car l’armoire au milieu me gênait.

Maintenant le lit se trouve ici, comme avant, l’armoire là, et entre les deux il y a la table. Quand l’ennui me guette, je me remémore l’époque où j’étais révolutionnaire.

 



Slawomir MROZEK, La vie est difficile, Albin Michel, Paris, 1991.

(Nouvelles traduites du polonais par André KOZIMOR)


La vidéo de la nouvelle (en anglais)


Slawomir Mrozek (né le 29 juin 1930 à Borzecin, près de Cracovie en Petite-Pologne, et mort le 15 août 2013 à Nice en France) est un dessinateur satirique, écrivain et dramaturge polono-français. Son œuvre dramatique est souvent associée au « théâtre de l'absurde ».


Il y a deux semaines, un ami m’appela d’Alger. Il avait appris le décès d’un de ses camarades de jeunesse. N’étant pas au courant du triste événement, je réussis tant bien que mal à glaner des informations sur ce sujet après quelques appels et l’inestimable secours de Google. Sous le vague titre « Accident mortel au métro », quatre lignes sur le site de Radio-Canada annonçaient laconiquement la dramatique disparition de cette brillante personne que rien ne destinait à cette fin tragique. « Un homme d'une soixantaine d'années est mort après s'être cogné la tête contre un wagon de métro », disait la nouvelle [1]. Aucune mention de son nom, de son origine ni de sa religion. Quatre minces lignes en guise d’épitaphe pour un homme mort incognito, tel un soldat inconnu de l’immigration. Son corps fut transporté en Algérie pour y être inhumé, sans que sa communauté (et encore moins la société d’accueil) ne se rende compte de sa disparition.

Jeudi dernier, le métro de Montréal fut le théâtre d’un accident aussi dramatique que le précédent : une femme perdit la vie dans les escaliers roulants. D’après les premières hypothèses, son foulard se serait malencontreusement coincé dans le mécanisme de l’escalator, provoquant un inévitable étranglement. Le funeste accident aurait certainement connu le même traitement médiatique que le premier si ce n’était la présence de deux mots qui cristallisent à eux seuls toute la tension sociale du Québec : femme et foulard.

Femme? Serait-ce une femme musulmane?

Foulard? Serait-ce un foulard islamique, un hijab?