Éducation

Il y a pire que de ne pas être informé: c’est penser l’être

 

Quoi de plus « tripant » que de se rendre à La Ronde, de chevaucher un manège portant un nom effrayant et de se laisser ballotter dans tous les sens, savourant des sensations fortes tout en regrettant d’y être monté?

Les manèges ont toujours été des attractions populaires très prisées car ils nous permettent de nous affranchir du champ gravitationnel terrestre qui nous cloue en permanence au sol. En effet, tous les objets à la surface de la Terre subissent une accélération gravitationnelle (G) d’environ 9,81 m/s-2. Le poids d’une personne dont la masse (m) est 60 kg peut se calculer aisément en faisant le produit de m et de G. Dans ce cas précis, il avoisine les 589 newtons (N). Sur la lune, par exemple, où le champ gravitationnel est presque six fois moins intense que sur Terre, le poids de la même personne sera de 97 N alors que sa masse restera identique. C’est pour cela que les astronautes qui ont foulé le sol de ce satellite de la Terre semblent flotter.
Vous avez probablement remarqué que lorsque le véhicule dans lequel vous êtes assis freine ou accélère, vous corps est respectivement poussé vers l’avant ou l’arrière? On dit qu’il est soumis à des forces d’inertie. Il en est de même lorsque vous êtes à bord d’un manège qui est doté d’un mouvement de rotation. Dans ce cas, votre corps subit ce que les physiciens appellent une force centrifuge, force qui a tendance à vous pousser vers l’extérieur de la surface balayée par le manège. Cette force dirigée vers l’extérieur, combinée à votre poids (qui est une force toujours dirigée vers le bas) donne naissance à un poids apparent qui peut être plusieurs fois plus grand que le vôtre. Dans certaines attractions, comme la Tornade de La Ronde, votre corps est soumis à une accélération qui frise 6,5 G, c'est-à-dire que votre poids apparent est multiplié par 6,5! Par comparaison, les pilotes d’avion de chasse subissent 7 à 9G. Heureusement que ces forces ne s’appliquent que pendant des laps de temps très courts, ne dépassant guère quelques secondes, car le commun des mortels n’a pas l’entraînement de ces as de l’aviation.
Les manèges actuels sont de plus en plus sophistiqués. Ils combinent des rotations simultanées dans plusieurs plans, des mouvements selon des trajectoires effarantes, des rayons de courbures très prononcés et des accélérations époustouflantes. Tous ces ingrédients « physiques » ont un seul but : vous faire défier les lois de la gravité. Certaines combinaisons vous mettent quasiment en apesanteur juste avant de faire subir à votre corps 4G!

Les ingénieurs qui conçoivent ces monstres d'acier utilisent des équations qu’ils puisent dans des disciplines physiques telles que la cinématique, la dynamique et la résistance des matériaux. Les forces, les trajectoires et les accélérations que subissent les véhicules et leurs passagers sont calculées avec précision pour que tout soit d’un niveau sécuritaire irréprochable.

Les progrès techniques dans le domaine des transports et dans celui de la synthèse de nouveaux matériaux nous promettent des manèges encore plus performants. De quoi faire la joie de générations d’amateurs de frissons et de palpitations effrénées.

 

Publié dans "Science! On blogue", Agence Science-Presse, 24 juin 2008,
Consultation en ligne


 

L’enseignant médiocre raconte, le bon enseignant explique, le très bon enseignant démontre. L’excellent enseignant, lui, inspire.
(William Arthur Ward)

 

La réelle désaffection populaire à l’égard de la profession d’enseignant à travers le monde est plus qu’inquiétante. On a beau clamer qu’elle est « le plus beau métier du monde », cette fonction, contrairement aux temps jadis, n’attire pas foule. Vous n’avez qu’à poser la question à une classe de jeunes en âge de choisir leurs profils de carrière et vous constaterez qu’ils n’y feront guère allusion. Les raisons sont multiples mais peuvent se résumer en deux mots : manque de respect et de valorisation. Le problème est si sérieux que des organismes internationaux en ont fait leur cheval de bataille.

Déjà, en 2003, un article intitulé : « Où sont passés tous les enseignants ? La crise silencieuse » paraissant dans la revue Prospect de l’Unesco, s’inquiétait : « Une crise silencieuse menace les familles du monde entier : la pénurie toujours plus grande, au niveau mondial, d’enseignants qualifiés et disponibles pour enseigner les générations d’enfants présentes et futures. Si peu de pays, riches ou pauvres, sont épargnés par ce phénomène, les pays en développement sont les plus durement touchés. » [1].

Se basant sur l’expérience de 25 pays, l’OCDE a publié, en 2005, un rapport portant le titre évocateur : « Le rôle crucial des enseignants : Attirer, former et retenir des enseignants de qualité » [2]. On peut y lire que: « si une carrière dans l’enseignement est dénuée d’attrait et si l’enseignement ne change pas fondamentalement, le risque de déclin de la qualité de la scolarité est réel, et un effet de spirale vers le bas serait difficile à inverser ».

En 2006, en pleine campagne électorale, le ministre français actuel de l’éducation, M. Xavier Darcos, remettait un rapport sur « la situation morale et matérielle des professeurs de France » [3]. Il y mentionne qu’il a « été frappé du climat de lassitude, de démobilisation et d’aigreur qui règne au sein des diverses fédérations d’enseignants, tous bords confondus. A tort ou à raison, elles considèrent que le métier s’est dégradé ».

Conscient du rôle prépondérant des enseignants dans le monde de l’éducation et dans la formation des générations futures, le président Sarkozy adressa un manifeste de 31 pages à tous les éducateurs de France, le 4 septembre dernier, veille de la rentrée scolaire 2007/2008.  Il y mentionne que « la Nation vous doit une reconnaissance plus grande, de meilleures perspectives de carrière, un meilleur niveau de vie, de meilleures conditions de travail. Jadis l'instituteur, le professeur avaient une place reconnue dans la société parce que la République était fière de son école et de ceux auxquels elle en avait confié la charge. L'instituteur, le professeur était fier de son métier, fier de servir la République et une certaine idée de l'Homme et du progrès » [4].

La recherche des candidats susceptibles d’occuper brillamment les postes d’enseignants n’est pas une mince affaire. Mais même quand ils décident d’épouser la fonction, on remarque un taux très élevé d’abandon de la fonction dans les premières années de travail. Ainsi, aux États-Unis et au Québec, 25% des nouveaux enseignants quittent l’enseignement dans les cinq premières années [5,6]. Ce taux atteint 30 % en Saskatchewan et même 50% dans certaines villes américaines.

La dévalorisation de l’enseignant s’est accompagnée d’une redéfinition de la profession. Au gré des réformes, il est devenu professeur, éducateur, instructeur, accompagnateur ou même mentor. La profession n’attirant pas les meilleurs étudiants, on assiste à un nivellement par le bas des compétences professionnelles. Le cercle vicieux aidant, le problème ne peut que s’aggraver.

Mais quelle est la situation en Algérie? Même si la problématique est spécifique à notre pays, elle ne peut être complètement déconnectée de ce qui se passe dans le monde. Sur certains aspects, elle peut même être pire.

On pouvait lire, récemment, dans les colonnes d’un quotidien algérien que « le processus d’algérianisation des contenus et des programmes pédagogiques et du personnel enseignant a été très rapide et a obéi beaucoup plus à une logique politique qu’à une nécessaire action planifiée et programmée. Ce qui a eu pour conséquence de produire un personnel déqualifié”. Ce processus (…) a fortement contribué à une baisse sensible de la qualité de l’enseignement, du niveau scolaire des élèves et aussi à une forte dévalorisation de l’instance scolaire dans la société » [7].

Comment peut-on rechercher le meilleur mécanicien lorsque notre voiture a un problème et se suffire d’un enseignant dont la compétence est douteuse lorsqu’il s’agit de nos enfants, c’est à dire de notre bien le plus précieux?

Les problèmes que vit l’Algérie (et à fortiori l’algérien) d’aujourd’hui  sont tellement inextricables et complexes que seule l’éducation peut prétendre en venir à bout. L’investissement le plus important doit se faire dans l’humain. Les expériences douloureuses qui parsèment l’histoire de notre peuple en sont les meilleures leçons.

La revalorisation de l’enseignant et de l’enseignement ne doit pas être qu’un vœu pieux. Elle est la condition sine qua non de la paix, de la justice et de la prospérité futures de notre pays. Les enseignants ont tout d’abord besoin de respect : celui des élèves, des parents et de la société en général. Ils ont besoin aussi de valorisation : de leurs supérieurs, de la hiérarchie et du législateur.

Les enseignants sont nos vrais « soldats » : ils se doivent de combattre l’ignorance, l’extrémisme, la saleté, la laideur, la corruption, le gain facile, l’incivilité et l’impolitesse. Ils doivent inculquer à nos enfants l’amour du beau, du licite, du propre et du juste. Ils sont tenus à la formation d’un citoyen responsable, compétent, autonome et respectueux de soi, d’autrui et de l’environnement. Un citoyen qui choisit la discussion constructive comme modèle de résolution de conflits et rejette la confrontation belliqueuse.

Pour cela, nos enseignants ont besoin d’être choisis parmi les meilleurs d’entre nous, formés adéquatement selon les méthodes les plus modernes et les plus efficaces. Le niveau d’instruction minimal pour enseigner dans un établissement scolaire quelconque doit être Bac+3. Il est temps de profiter de la mauvaise fortune de certains de nos bons étudiants qui, avec un bac +4 ou un bac +6, sont contraints à vivre un chômage précoce et injuste. Il faut encourager ceux pour qui l’enseignement est un fardeau et une peine quotidienne à quitter le milieu de l’éducation avec des incitatifs alléchants.

Les conditions pécuniaires des enseignants doivent  être sérieusement revues à la hausse pour éviter la « clochardisation » de la profession. Cette inexorable dégradation de l’image du professeur commence par la généralisation des cours privés, de la marchandisation d’un savoir qui aurait dû être dispensé au sein des établissements scolaires. J’ai ouie dire que certains enseignants, au lieu de répondre aux questions de leurs élèves, leur suggèrent de venir prendre des cours privés chez eux pour « mieux comprendre la matière » (sic). Avec un salaire décent, les professeurs pourront vivre dignement et se consacrer à leur noble mission. Ils pourront alors se passer des livres scolaires que le ministère a gracieusement mis à la disposition de leurs enfants.

Outre la formation initiale des enseignants qui doit leur permettre de relever les multiples défis éducatifs,  la formation continue doit être réelle, régulière et focalisée sur des besoins pédagogiques ciblés par les enseignants eux-mêmes. Au Québec, par exemple, le corps enseignant dispose, annuellement, de 18 journées dites pédagogiques pour les rencontres entre les collègues ou la participation à des formations et des colloques. Pendant ces journées de semaine, les établissements  sont ouverts pour le personnel, mais les élèves sont en congé.

Il est primordial d’encourager le développement de pratiques pédagogiques novatrices et de matériel didactique de qualité. La formation par les pairs au sein de groupes d’entraide et d’associations pédagogiques disciplinaires [8] est un outil de choix pour le partage et la concertation. Il va sans dire que l’isolement des enseignants est néfaste à leur progression professionnelle.

La continuité de la formation peut être rendue effective par le biais de sites Web ou de portails éducatifs développés par les associations pédagogiques, les établissements scolaires ou les groupes d’entraide. Ce moyen permet de mettre en commun des documents pédagogiques, des plans de cours, des situations d’apprentissage ou des évaluations sur le plan local, régional, national et même international.

L’instauration, par le ministère de tutelle, d’un colloque national disciplinaire sous la supervision des associations mentionnées précédemment permettrait aux professionnels de l’enseignement de mieux se connaître et de partager leurs compétences à une plus grande échelle. Les actes du colloque seraient publiés dans une revue pédagogique ministérielle distribuée à travers le territoire national.

La valorisation d’une profession passe nécessairement par la reconnaissance du travail accompli, de l’engagement et du dépassement professionnel. La création de prix régionaux et nationaux soulignant le travail hors du commun de certains enseignants est une mesure qui aura pour effet de redorer le blason de cette profession qui en a si besoin.

À l’échelle individuelle, le comportement de l’enseignant doit être exemplaire à tous les points de vue. Il doit adhérer aux valeurs qu’il inculque aux jeunes. Il n’y a pas de place pour les fraudeurs, les corrupteurs et les corrompus au sein de la maison Éducation.

À ce sujet, il est navrant d’entendre des rumeurs de fraude entacher la sérénité des examens de passage [9]. Certains élèves ont même sacralisé la fraude en lui consacrant des vers du style : men nakala intakala (celui qui fraude en copiant, passe son année). Cette « maladie » est tellement ancrée dans les mœurs estudiantines que même certains étudiants qui viennent poursuivre leurs études au Québec en font usage. Le taux de fraude dans la communauté algérienne et maghrébine était si élevé dans son établissement que le doyen de la Faculté des sciences de l’éducation d’une université montréalaise, où je travaillais il y a de cela quelques années, m’a demandé…si la fraude était permise dans notre pays!

La valorisation de l’enseignant ne se fait pas uniquement par le biais de la reconnaissance de ses droits et de l’amélioration de ses conditions de travail. Elle passe aussi par son aptitude à honorer ses devoirs et ses responsabilités. En réponse à un de mes derniers articles, mon collègue K. Ben-Naoum a, à cet effet, soulevé le problème de la durée de l’année scolaire et du volume horaire pédagogique annuel dispensé aux élèves: « Dès le début du mois de mai, nos élèves sont «libérés» de leurs établissements (…) cela représente aussi deux mois d’étude en moins » [10].

À titre de comparaison, l’année scolaire 2007/2008 a commencé pour les élèves du Québec le 28 août 2007 et se terminera le 20 juin 2008, pour un total de 182 jours de classe et 900 heures de cours. Les enseignants, quant à eux, travaillent 200 jours annuellement. Ce volume horaire annuel est de 958h pour la France, 980h pour l’Italie, 861h pour l’Angleterre et 810h pour l’Espagne.

À titre personnel, les enseignants doivent continuellement s’instruire de peur d’être dépassé par leurs élèves, surtout dans le domaine des TIC. Il est inconcevable de constater que certains professeurs ne lisent jamais et que leurs connaissances générales sont très limitées. Comment alors de telles personnes peuvent-elles inculquer la passion de la lecture ou l’amour du savoir?

Celui qui a la prétention d'enseigner ne doit jamais cesser d'apprendre ( John Cotton Dana).

Le monde de l’éducation a ça d’étrange que même dans les conditions professionnelles  les plus difficiles, on rencontre encore des enseignants passionnés, fougueux et dynamiques qui se battent contre vents et marais pour le bien de leurs élèves. Il en existe encore en Algérie. J’ai eu le plaisir d’en rencontrer.

Bonne rentrée scolaire à toutes et à tous.


Références:

  1. Halperin, Richard; Ratteree, Bill. « Où sont passés tous les enseignants? La crise silencieuse », Prospects: quarterly review of comparative education; XXXIII, 2, juin 2003; p. 133-138.
  2. OCDE. (Page consultée le 12 septembre 2007).  Le rôle crucial des enseignants: Attirer, former et retenir des enseignants de qualité - Rapport Final, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.oecd.org/document/59/0,3343,fr_2649_33723_36221243_1_1_1_1,00.html
  3. Ce rapport peut être téléchargé de l’adresse URL suivante : http://www.lalettredeleducation.fr/L-entourage-de-Nicolas-Sarkozy.html
  4. Cette lettre peut être téléchargée de l’adresse URL suivante : http://www.snuipp.fr/spip.php?article4783
  5. Ordre des Enseignantes et des enseignants de l’Ontario, (Page consultée le 14 septembre 2007).  Transition vers l’enseignement : l’Ordre étudie le plan 
    de carrière des nouveaux enseignants
    , [En Ligne]. Adresse URL: http://www.oct.ca/publications/pour_parler_profession/septembre_2001/blue4.asp
  6. Infobourg, (Page consultée le 14 septembre 2007).  Entretien avec Gilbert Richer: Où va le système éducatif? [En Ligne]. Adresse URL: http://www.infobourg.com/sections/editorial/editorial.php?id=10146
  7. Oussad, Said. 2007. « Les redoublants constituent 15% de la population scolarisée». Liberté, 15 septembre, p. 6.
  8. Ce sont des associations d’enseignants qui enseignent la même matière. Pour les enseignants de mathématiques, ce serait : Association des Enseignants de Mathématiques de la wilaya d’Oran, par exemple.
  9. Voir, à titre d’exemple, ce récent article : Dahou, Mokhtar. 2007. « Notre système scolaire enfin sur la bonne voie ? ». Le Quotidien d’Oran, 17 septembre, p. 7.
  10. Ben-Naoum, Kouider. 2007. « Examen dites-vous? ». Le Quotidien d’Oran, 22 août, p. 7.

 

Le mois d’avril a été très prolifique en bonnes nouvelles concernant l’Internet en Algérie : baisse de 50% des prix, consécration du 20 avril comme journée nationale de l’Internet, connexion de près de 90% des établissements scolaires et de la totalité des communes du pays à l’Internet haut débit. Un vrai printemps dans le cyberespace algérien!

À vrai dire, il était temps que les pouvoirs publics interviennent énergiquement : les indicateurs en la matière sont tous au rouge. Le dernier rapport de l’Union internationale des télécommunications [1] révèle que le taux de pénétration de l’Internet ne dépasse pas 9,1% alors qu’il est de 9,5% pour la Tunisie et de 15,2% pour le Maroc. À titre de comparaison, ce taux est 55% pour la France, 72% pour le Québec et 85% pour l’Islande.

En matière d’ordinateurs dans les ménages, les chiffres ne sont pas reluisants. On compte 2,4 ordinateurs pour 100 habitants en Algérie alors que le Maroc et la Tunisie en ont  respectivement 2,6 et 5,7. À noter qu’au Québec, ce taux est de 85% dans la population en général, mais frise les 95% lorsqu’on considère les familles ayant des enfants scolarisés. Encore faut-il préciser que le Québec détient la triste place de la province la moins nantie dans ce domaine de toutes les provinces canadiennes. D’aucuns me reprocheront encore de comparer le Québec à l’Algérie et de prétendre que cette comparaison n’est pas constructive. Bien au contraire, les indicateurs de cette province étaient très faibles, il y a à peine 10 ans. Grâce à une politique agressive, elle a réussi à se hisser parmi les pays les plus enviés du monde. Constatez par vous-même : 4% de familles branchées en 1996, 72% en 2007; 24 ordinateurs pour 100 habitants en 1996, 85% en 2007. Voyant la fracture numérique se creuser au sein de la population, le gouvernement québécois n'a pas hésité à subventionner, durant les années 2000 et 2001, l’informatisation des ménages à faibles revenus. Ce programme, baptisé « Branchez les familles sur Internet » [2], accordait 75 % du coût total d’abonnement à Internet
jusqu'à concurrence de 200 $/an et une subvention de 500$ pour l’achat d’un ordinateur. Pas moins de 200 000 familles se sont prévalues de cette généreuse mesure.

Le programme Ousratic a tout intérêt à s’inspirer de cette mesure pour prétendre atteindre ses objectifs. La baisse de la TVA et du taux d’intérêt des prêts bancaires sont des mesures positives mais encore trop timides. Le gouvernement devrait aider les familles ayant des enfants scolarisés ou universitaires à acquérir des ordinateurs en prenant en charge la totalité des intérêts pour autant qu’un apport initial correspondant au quart (ou au tiers) du prix d’achat soit fourni par la famille. Évidemment, le prix d'achat doit être plafonné à un montant réaliste et ne pas permettre des achats d’équipements considérés comme luxueux. D'autre part, tous les enseignants devraient, eux-aussi, bénéficier d’une telle mesure, qu’ils soient du niveau primaire, collégial, secondaire ou universitaire. En effet, la mesure avancée par le ministère des Postes et des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique en faveur de la dotation des enseignants universitaires en outils informatiques a une saveur élitiste et quelque peu discriminatoire.

Qu’en est-il maintenant du cyberespace scolaire?  À par le pourcentage cité au début de cet article et qui estime à 90% le taux de branchement des écoles, les données ne sont pas disponibles pour le commun des mortels. Une des données les plus importantes en termes de pénétration des TIC dans le monde scolaire est le ratio « nombre d’élèves par ordinateur ». À ce sujet, le rapport exhaustif de l’OCDE [3] montre que la plupart des pays occidentaux participants ont un ratio inférieur à 10. La palme revenant au Liechtenstein (ratio = 3) devançant les USA, l’Australie, la Corée et le Canada tous détenant des ratios inférieurs à 5. La Tunisie, qui a participé à cette enquête comme pays partenaire, s’est vu affublée du plus mauvais score des 41 pays participants, soit un ratio autour de 80!

En 2007, au Canada, le nombre d’élèves par ordinateur variait de 4 pour le Manitoba à 8 pour le Québec,  bon dernier des 10 provinces canadiennes [4]. L’annonce de cette « mauvaise » performance par Statistique Canada au début de l’année scolaire a immédiatement fait réagir la Ministre de l’Éducation du Québec : à partir de l’année scolaire 2007-2008, une enveloppe récurrente de 30 millions de dollars sera investie annuellement dans les établissements scolaires pour i) l’acquisition de nouveaux équipements informatiques dans les écoles publiques, ii) le rajeunissement du parc informatique et iii) le rattrapage du retard avec les autres provinces du Canada. Ce n’est pas la première fois que des mesures énergiques sont prises dans le domaine des TIC à l’école québécoise. Déjà, en 1996, un plan quinquennal avait permis de faire passer le ratio élèves/ordinateur de 21 à 6.

En Algérie, il faudrait rapidement quantifier le ratio élèves/ordinateur et préciser la signification réelle du  taux de branchement des écoles. En effet, certains établissements possèdent des laboratoires d’informatique équipés avec quelques dizaines de micro-ordinateurs, mais ceux qui sont branchés à Internet se comptent sur les doigts d’une seule main. Faut-il alors considérer que l’établissement est branché? À mon avis, non. Un établissement branché est celui qui possède, au minimum, un laboratoire de 30 à 40 postes informatiques tous branchés à la toile. Dans les écoles canadiennes, par exemple, la distinction entre la notion d’équipement en ordinateurs et celle de branchement ne se fait plus, car la quasi-totalité des postes informatiques est reliée à Internet. Ainsi, le ratio élèves/ordinateur est implicitement un ratio élèves/ « ordinateur branché ».

Réagissant à un de mes précédents articles [5], un confrère a écrit : « Pourquoi développer massivement d'autres besoins du savoir et de connaissances, alors que ceux élémentaires, aussi bien socioéducatifs que culturels, émancipateurs eux aussi, ne sont pas satisfaits et, donc non satisfaisants ? Si l'enseignement des connaissances par la craie et le tableau est vu, par celui qui le donne, qu'il est le mieux adapté à son état d'esprit et, de ceux de ses élèves, pourquoi exiger plus de ce «niveau» de savoir ? » [6].

La réponse est bien simple et peut se résumer en trois points. Tout d’abord, l’École doit être en phase avec l’évolution de la société, répondre aux besoins de ses citoyens et utiliser les récentes innovations pédagogiques basées sur les sciences cognitives. Ensuite, de nombreuses études ont montré de manière explicite que l’utilisation régulière des TIC a pour effet d’améliorer  significativement les résultats des élèves tout particulièrement en mathématiques [3] et en lecture [7]. Finalement, les TIC permettent l’instauration d’une pédagogie du projet qui a pour objet de favoriser la coopération, la métacognition, la différenciation pédagogique et l’augmentation de la motivation des élèves. Il va sans dire que la craie et le tableau noir (si chers à mon confrère, et dont il est hors de question de faire table rase), ne permettent qu’une approche magistrale de l'enseignement dont les limites ont été souvent décriées et dans laquelle l’élève est passif contrairement à l’approche par projet où il est le principal artisan de son apprentissage.

Dans sa réforme de l’éducation basée sur l’approche par compétences, le Ministère de l’Éducation du Québec a défini neuf compétences transversales regroupées en quatre ordres [8]. Conscient de l’importance des nouvelles technologies, une de ces compétences (la sixième) a été intitulée: «Exploiter les Technologies de l’Information et de la Communication ». En d’autres termes, l’élève québécois du niveau primaire et secondaire doit utiliser les TIC, tirer profit de cette utilisation et évaluer son efficacité.

Il est clair que le déploiement des TIC dans le milieu scolaire, bien qu’il soit tributaire d’un faible ratio élèves/ordinateur, est fortement lié à la formation des enseignants, à leur aptitude à s’approprier de nouvelles approches pédagogiques et à leur volonté de participer au renouveau de la profession enseignante. Pour cela, il est impératif: i) que  des conseillers pédagogiques soient formés, ii) que  des formations adéquates pour les enseignants soient mises sur pied et iii) que  le temps de conception et d’expérimentation d'activités pédagogiques soit comptabilisé dans la tâche des enseignants.

Un autre domaine où le bât blesse est celui du nombre ridiculement bas de sites web algériens et de la faible  production de contenu. Là aussi, l’École a un  rôle de catalyseur à jouer. Chaque établissement scolaire devrait se doter d’un site web conçu par ses élèves, sous la direction de leurs enseignants. Des concours régionaux et nationaux primeraient les meilleures réalisations, ce qui aurait pour effet de créer une atmosphère d’émulation. À cet effet, l’initiative du Trophée Med-It 2008 qui a récompensé de superbes sites web sur le patrimoine culturel algérien doit être soulignée et généralisée à d’autres domaines.

La mise en ligne de portails éducatifs est une des applications les plus prometteuses des TIC en Éducation. Ces plateformes informatiques ont des fonctionnalités très utiles pour les élèves, les parents, les enseignants et tous les intervenants du monde éducatif. Elles permettent, par exemple, aux enseignants de consigner leurs notes dans un bulletin en ligne, aux élèves de consulter des ressources spécialement conçues pour eux, aux parents d’accéder à des informations sur la progression et les résultats de leurs enfants et au personnel administratif de gérer les dossiers académiques. Les portails servent à la création de communautés d’apprentissage, facilitent le jumelage pédagogique et permettent le partage de ressources pédagogiques entre enseignants n'appartenant pas au même établissement scolaire. Chaque Direction de l’Éducation de Wilaya et le Ministère de tutelle auraient tout intérêt à s’équiper avec de tels outils qui seraient conçus et administrés par des professionnels.

L’incursion des TIC en pédagogie a engendré de nouveaux dispositifs éducationnels. Ainsi, parle-t-on du e-learning (apprentissage électronique ou en ligne) et de l’école virtuelle qui sont deux concepts différents. L’idée de la virtualité d’une école est très séduisante car elle permet de s’affranchir de la notion d’espace et de temps. Néanmoins, cette école cybernétique présente des inconvénients majeurs. En effet, l’élève, face à son écran est souvent livré à lui-même et souffre d’un déficit de motivation. Ce type d’enseignement  profite principalement aux apprenants dits « visuels ». Luc Lambrecht [9] résume ainsi le problème : « Suivre un cours à distance, c’est comme suivre un régime : il vous faut une bonne dose de motivation et de discipline pour aller jusqu’au bout ». Cela veut-il dire que l’école virtuelle est vouée à la disparition? Non, bien au contraire, elle de beaux jours devant elle. L’école virtuelle est un outil de choix pour certains types d’enseignement technique, pour la formation continue au sein des entreprises et pour les personnes résidant dans des régions géographiquement éloignées des grands centres urbains.

Mais il faut qu’elle s’adapte à tous les profils d’apprenants, qu’elle se dote d’un contenu riche et attrayant et qu’elle soit facilement accessible. Les spécialistes parlent des 4 C : connectivité, capacité, contenu et culture. Le succès que connaît l’excellente plateforme ClicForma de l’EEPAD [10] s’appuie en grande partie sur une motivation accrue des élèves assurée par la nécessité de réussir aux examens du BAC et du BEM et, bien entendu, sur le faible coût actuel d’accès aux contenus disponibles.

En fait, c’est la « froideur » de l’ordinateur qui pose problème. Un apprentissage efficace est une interaction complexe et constructive entre le transmetteur et le récepteur du savoir. La tendance actuelle est alors une judicieuse combinaison entre l’enseignement traditionnel et le e-learning. Les cours en ligne sont conçus par des pédagogues qui privilégient des approches pédagogiques novatrices, plus performantes que les approches skinériennes que l’on rencontre souvent dans ce type d’enseignement. Même si l'apprentissage est « électronique », les apprenants peuvent interagir régulièrement avec des enseignants chevronnés qui suivent leur progression et leur servent de tuteur, voire de mentor.

Le e-learning ne remplacera jamais l’école traditionnelle. Mais il peut l’aider à sortir des sentiers battus, à améliorer ses performances, à la mettre en phase avec les progrès techniques et, surtout, à la brancher à un cyberespace qui ne cesse de croître et dont les ressources sont de plus en plus incommensurables.

J’aimerais dire à mon confrère cité auparavant [6] que l’école algérienne conservera son tableau et de quoi écrire dessus. Sauf que ce tableau sera, dans un avenir proche, un tableau blanc interactif à écran tactile, doté d’une foule d’applications et qu’on peut utiliser avec le bout de notre doigt. Un tableau branché à Internet, ouvert sur le monde, et résolument tourné vers le futur. Exactement comme notre École se doit d’être.

 


 

Références :

  1. International Telecommunications Union (ITU). 2007. (Page consultée le 18 avril 2008). World Information Society Report 2007.  Geneva: ITU, [En Ligne]. Adresse URL:  http://www.itu.int/osg/spu/publications/worldinformationsociety/2007/index.html
  2. Revenu Québec. (Page consultée le 20 avril 2008). Le programme « Brancher les familles sur Internet », [En Ligne]. Adresse URL:  http://www.revenu.gouv.qc.ca/fr/ministere/centre_information/nf/nf2000/in-136_51/brancher.asp
  3. OCDE (2005). “Are students ready for a technology-rich world?” Résultats de la recherche PISA 2003, téléchargeable à l’adresse: http://www.oecd.org/dataoecd/28/4/35995145.pdf
  4. Statistique Canada. «  Indicateurs de l'éducation au Canada : Rapport du programme d'indicateurs pancanadiens de l'éducation 2007». Ce document est téléchargeable à l’adresse suivante: http://www.statcan.ca/francais/freepub/81-582-XIF/81-582-XIF2007001.htm
  5. A. Bensaada, « Plaidoyer pour des classes branchées en Algérie ». Le Quotidien d'Oran, 8 avril 2007, p.8.
  6. A. Brahimi, « Imaginer le savoir ». Le Quotidien d'Oran, 12 avril 2007, p.13.
  7. J. SCLATER et al. « Ubiquitous Technology Integration in Canadian Public Schools: Year one Study » La Revue canadienne de l'apprentissage et de la technologie, vol. 32, no 1, 2006.
  8. A. Bensaada, «Les lycéens, la rue et l’approche par compétences». Le Quotidien d'Oran, 12 février 2008, p.7.
  9. L. Lambrecht. (Page consultée le 5 mai 2008). L’e-learning exige une discipline de fer, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.agoria.be/
  10. Clicforma.com. (Page consultée le 5 mai 2008). Plateforme de télé-enseignement, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.clicforma.com/

Il est très réconfortant de savoir que certains « ex »-collègues s’inquiètent de la situation des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) en Algérie [1]. En effet, l’article paru dans les éditions des 13 et 14 mars 2007 dans les colonnes du Quotidien d’Oran relate une situation des plus alarmantes [2,3]. La position peu enviable qu’occupe l’Algérie en matière de TIC est peu compréhensible vu la proximité de notre pays de l’Europe, le nombre d’institutions éducationnelles et l’engouement des jeunes pour tout ce qui touche aux nouvelles technologies.

Déjà, en 2002, le Rapport arabe sur le développement humain [4] notait clairement le retard pris par l’Algérie dans ce domaine, loin de nos voisins maghrébins et à des années-lumière des pays du Golfe, dévoilant « une fracture numérique entre pays arabes ». Ce rapport exhaustif mentionnait aussi que « les TIC permettront d’accélérer le rythme du renouvellement de l’information, permettant ainsi aux pays arabes de combler leur retard en matière de connaissance ». Les chiffres de l’édition 2003 du même rapport sont éloquents eux aussi. Il y est mentionné qu’il n’y avait que 18 ordinateurs pour 1000 habitants dans le monde arabe comparativement à 39 pour l’Amérique Latine alors que la moyenne mondiale était de 78,3 pour 1000. En matière d’accès à Internet, la disparité est aussi abyssale : 1,6% de la population arabe contre 68% au Royaume Uni ou 79% aux Etats-Unis [5]. Les chiffres les plus récents en matière d’utilisation de l’Internet montrent que seulement 5.7% de la population algérienne utilise ce moyen de communication contre 9.2% de Tunisiens et 15.1% de Marocains [6]. Bien qu’apparemment très prometteur, le projet OUSRATIC ne donne malheureusement pas les résultats escomptés. Effectivement, le Rapport mondial  sur la Société de l’information 2006 de l’IUT (Union Internationale des Télécommunications) montre que les projections de ce programme à l’horizon 2010 ne donneront qu’un taux de pénétration de moins de 10% de foyers algériens comparativement à 20% pour un programme tunisien similaire [7]. En outre, en ce qui concerne la création de sites Web, on ne compte, aujourd’hui, qu’environ 1400 sites « .dz » contre 4000 sites « .tn » et 6000 sites « .ma ». Notons que la France, à elle seule, compte pas moins de 432 000 sites dans le domaine « .fr »! [8].

Cet état des lieux nous permet de constater aisément que la situation de l’Algérie en matière de TIC est peu reluisante comparativement aussi bien à nos voisins immédiats, qu’aux africains ou aux pays arabes de la région du Golfe.

Alors pourquoi parler d’université sans craie et sans tableau? Ne faudrait-il pas plutôt parler d’abord d’écoles primaires ou secondaires avec des laboratoires d’informatique et des classes branchées ouvertes sur le monde? Les responsables de l’éducation ne devraient-ils pas implanter les nouvelles technologies à des stades précoces du cursus scolaire comme ont su le faire intelligemment les pays industrialisés?

À ce titre, la réforme de l’éducation primaire et secondaire qui bat son plein actuellement au Québec donne aux TIC un rôle prépondérant dont on devrait s’inspirer. Le changement radical dans le paradigme éducationnel est axé sur des « compétences transversales » et non sur les contenus notionnels qu’on a coutume d’utiliser pour transmettre le savoir. Une compétence transversale se définit comme un ensemble d’habiletés nécessaires pour accomplir une tâche. Parmi les 9 compétences transversales communes définies dans le nouveau programme éducatif québécois, il y en a une qui est explicitement liée aux TIC. Il s’agit de la 6ème qui s’énonce  « Exploiter les TIC » et qui a comme composantes l’appropriation des technologies, la mettre au service de ses apprentissages et évaluer l’efficacité de son utilisation [9]. Avec un tel contrat sur les bras, on n’a pas l’ombre d’un doute que l’école joue un rôle moteur dans l’intégration des TIC, non seulement dans l’enseignement, mais aussi, par ricochet, sur toutes les sphères de la société. L’investissement considérable consenti au secteur de l’éducation dans la dernière décennie a permis de mettre les écoles québécoises au diapason des standards  occidentaux. Toutes les écoles primaires et secondaires sont dotées de laboratoires d’informatique multidisciplinaires possédant un accès à Internet. C’est aussi le cas des classes de cours qui possèdent des prises Internet qui ont été installées grâce au programme quinquennal d’équipement des écoles durant la fin des années 90. Il y est donc facile de passer d’un enseignement magistral à un enseignement utilisant les TIC à l’aide d’un « chariot multimédia » qui consiste en une table mobile sur laquelle sont fixés un ordinateur et un projecteur multimédia.

Contrairement aux croyances, l’équipement matériel n’est pas la panacée, loin de là. Aussi faut-il former les enseignants capables d’intégrer ces nouvelles technologies de manière effective et efficace dans leur pratique quotidienne. Il est impératif de ne pas utiliser les TIC comme un support uniquement audiovisuel et ne pas retomber sur l’ancien débat concernant le rôle de l’audiovisuel dans l’enseignement.

Au Québec de nombreuses solutions ont été mises de l’avant pour la formation des enseignants. Notons, en particulier, le congrès de l’AQUOPS (Association québécoise des utilisateurs de l’ordinateur au primaire-secondaire) [10]. Cet événement, qui en est à sa 25ème édition, connaît une grande popularité. Il permet aux enseignants de partager leurs pratiques pédagogiques et de faire connaître des dispositifs pédagogiques dédiés au monde de l’éducation. Parmi ces derniers, Cyberscol est considéré comme un leader dans le domaine de l’intégration des TIC dans le monde de l’éducation. Ce consortium de sites éducatifs touche aussi bien aux sciences qu’aux mathématiques ou à la littérature [11]. Ces sites sont conçus et administrés par des professionnels de l’éducation, passionnés de nouvelles technologies et travaillant, pour la plupart, bénévolement.

Les TIC ne se résument pas à l’envoi de courriels et au clavardage. Elles permettent aussi la création de savoir par l’intermédiaire de pratiques pédagogiques novatrices. Il est même possible de réaliser des projets entre des apprenants séparés par des milliers de kilomètres et de les faire travailler en « approche coopérative » [12]. Cette « pédagogie par projet » permet aux apprenants d’être les artisans de leur propre apprentissage [13].

D’aucuns pourraient m’accuser de comparer l’Algérie au Québec,  province d’un pays occidental riche et développé. J’aurais deux arguments pour eux. Primo, les TIC sont une technologie très récente qui n’est pas encore totalement maîtrisée par tous les acteurs de l’éducation, même au Québec. Si l’éducation algérienne saute dans le train de ces nouvelles technologies assez rapidement et consent les investissements adéquats pour le matériel et, surtout, la formation, il y a de fortes chances que la fracture numérique s’amenuise, voire se résorbe. Secundo, de nombreux pays dits du Sud se sont vaillamment engagés dans la maîtrise des TIC. Prenons l’exemple des Emirats Arabes Unis (en tête des pays arabes) avec l’« Internet City » à Dubaï, de la république de  Maurice (en tête des pays africains) avec le projet « Cyber City » ou la Malaisie  avec son « Multimedia Super Corridor ». Même des pays comme le Vietnam ont fait de grands progrès dans ce domaine. De nombreux collèges et lycées à travers le pays sont équipés de laboratoires à la fine pointe de la technologie. Par exemple, le lycée Le Hong Phong de Saigon, auquel j’ai rendu visite en 2005, possède 4 laboratoires d’informatique très modernes. Ce lycée d’excellence, fleuron de l’éducation vietnamienne, forme l’élite du pays. Même si l’enseignement y reste quelque peu classique, de nombreux efforts sont consentis dans le développement de l’expertise des enseignants surtout via des programmes gérés et financés par l’AUF (Agence universitaire de la francophonie).

L’article auquel se réfère ce texte  [2,3] semblait, d’autre part, sous-entendre que l’enseignement de la Physique avec des logiciels de présentation comme PowerPoint pouvait augmenter le nombre d’étudiants dans cette discipline. Certes, ces outils sont un atout non négligeable à la disposition des enseignants pour illustrer de manière efficace leurs cours. Mais, comme mentionné précédemment, l’équipement matériel n’est pas une fin en soi. Ce qui attire les étudiants dans une discipline donnée, ce sont les débouchés professionnels et les possibilités de carrière. J’en veux pour preuve la situation au Québec. Les salles de cours des lycées et des universités y sont quasiment toutes équipées de matériel sophistiqué pour l’enseignement, non seulement des sciences, mais aussi de toutes les disciplines. L’enseignant n’a besoin que de sa clé USB qu’il branche sur l’ordinateur de la classe. Si quelque chose ne tourne pas rond, il n’a qu’à utiliser le téléphone de la salle, et, quelques minutes plus tard, un technicien se présente pour résoudre le problème. Eh bien, avec tout cela, le nombre d’étudiants en Physique reste toujours faible dans toutes les universités québécoises, loin derrière les sciences médicales, la biologie ou le génie.

En réalité, le problème des filières scientifiques est beaucoup plus général qu’il ne paraît. La désaffection des étudiants pour les sciences est un phénomène qui touche tous les pays occidentaux. Ce problème est si sérieux qu’il a fait l’objet, en 2006, d’un rapport d’orientation de l’OCDE [14]. En France, par exemple, le nombre d’inscriptions en première année universitaire de sciences est passé de 63410 en 1995 à 38200 en 2005, soit une diminution de près de 40% en 10 ans. Différentes hypothèses ont été avancées pour l’explication de cette problématique. De récentes études montrent que « les bons élèves de classes terminales S ne répugnent pas à la difficulté des études ni aux perspectives de carrières offertes par la recherche et l’enseignement. Ils craignent, comme tout le monde, le chômage. » [15].

Les TIC ne sont pas une mode passagère. Au contraire, elles façonnent notre rapport à l’apprentissage, elles modifient notre façon de travailler et de communiquer et sont un outil efficace pour la démocratisation du savoir. Néanmoins, il ne faut en aucun cas s’enfermer dans le rôle passif d’utilisateur des technologies, mais il est impératif de créer des contenus et participer à l’essor mondial de l’Internet. Il est primordial de s’y atteler rapidement pour, au moins, rattraper notre retard ne serait-ce que par rapport à nos voisins maghrébins. À cet égard, des programmes d’encouragement pour la création de contenus éducationnels de qualité doivent être subventionnés par les pouvoirs publics et encadrés par des professionnels de l’éducation.

À quand une bibliothèque virtuelle arabe où les œuvres de nos auteurs préférés pourront  être consultées en ligne comme c’est déjà le cas pour les œuvres de langue française ou anglaise? Voilà un chantier des plus nobles pour la Ligue des Pays Arabes : unificateur, progressiste, qui « permettra aux pays arabes de combler leur retard en matière de connaissance » et, surtout, loin des sempiternelles querelles byzantines.

Une université sans craie ni tableau, c’est un vœu louable. Mais pas sans des classes primaires et secondaires branchées et ouvertes sur le monde, résolument tournées vers le futur. Un futur plein de promesses.


Références:

 

  1. A. Bensaada a été, durant les années 80, enseignant et directeur-adjoint de ce qui était l’Institut de Physique de l’Université d’Oran.
  2. Brahmi-Berras, Dalila et R. Brahmi. 2007. « Pour une université sans craie et sans tableau (1ere partie)». Le Quotidien d’Oran, 13 mars, p. 7.
  3. Brahmi-Berras, Dalila et R. Brahmi. 2007. « Pour une université sans craie et sans tableau (2eme partie)». Le Quotidien d’Oran, 14 mars, p. 7.
  4. Rapport arabe sur le développement humain 2002. « Créer des opportunités pour les générations futures ». Programme des Nations Unies pour le Développement.
  5. Rapport arabe sur le développement humain 2003. « Vers une société du savoir ». Programme des Nations Unies pour le Développement.
  6. Internet World Stats. (Page consultée le 24 mars 2007). Internet usage statistics for Africa, [En Ligne]. Adresse URL: http://internetworldstats.com/stats1.htm#africa
  7. International Telecommunications Union (ITU). 2006. (Page consultée le 24 mars 2007). World Information Society Report 2006. Geneva: ITU, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.itu.int/osg/spu/publications/worldinformationsociety/2006/wisr-web.pdf
  8. ITMag. (Page consultée le 25 mars 2007). Le virtuel jette les algériens sur la toile, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.itmag-dz.com/spip.php?article622
  9. MELS. (Page consultée le 25 mars 2007). Programme de formation de l’École québécoise, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.mels.gouv.qc.ca/DGFJ/dp/programme_de_formation/secondaire/prformsec1ercycle.htm
  10. AQUOPS. (Page consultée le 25 mars 2007). Association québécoise des utilisateurs de l’ordinateur au primaire-secondaire, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.aquops.qc.ca/
  11. Cyberscol. (Page consultée le 25 mars 2007). Projets éducatifs, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.cyberscol.qc.ca/
  12. Science Animée. (Page consultée le 25 mars 2007). Projet Québec-Vietnam, [En Ligne]. Adresse URL: http://mendeleiev.cyberscol.qc.ca/scienceanimee/Projets/projets2006/Scanim0506/Vietbec.htm
  13. Science Animée. (Page consultée le 26 mars 2007). Diaporamas scientifiques, [En Ligne]. Adresse URL: http://mendeleiev.cyberscol.qc.ca/scienceanimee/
  14. Rapport d’orientation de l’OCDE, Évolution de l’intérêt des jeunes pour les études scientifiques et technologiques, mai 2006. Ce travail peut être téléchargé à l’adresse URL : http://www.oecd.org/dataoecd/60/24/37038273.pdf
  15. CONVERT, Bernard. « Y a-t-il une crise des vocations scientifiques ? », Pour la science, n°353, mars 2007, p.16-19.

 

Il paraît que les extrêmes se rejoignent. Dans le domaine scolaire, l’actualité nous l’a démontré en un court laps de temps. En effet, l’été dernier, le plus haut magistrat de l’état est intervenu dans le débat sur les coefficients du BEM et, maintenant, les élèves, maillon basal mais hiérarchiquement le plus « bas » ? et non le plus faible ? de la maison Éducation, protestent contre l’application de la réforme éducative et ce qu’on appelle « l’approche par compétences ». Que ces « extrêmes » s’inquiètent, prennent la parole et demandent des changements est en vérité un signe de bonne santé et une démonstration de l’importance dont jouit encore l’Éducation dans notre pays. Néanmoins, plusieurs questions essentielles s’imposent : où sont passés tous les mécanismes de vérification, de contrôle et de validation qui doivent exister entre ces deux extrémités et qui sont à la base d’une application adéquate de toute réforme? Et pourquoi les autres acteurs de l’enseignement ne s’illustrent que par leur inexplicable mutisme? Ne sont-ils pas partie prenante de cette réforme?

Le report de l’application de la nouvelle approche pédagogique à la suite de l’action lycéenne est une mesure aussi sage que sensée. Mais, là-aussi, une anomalie apparaît : cette approche, n’était-elle pas appliquée dans les deux années précédant la terminale? Et son application, a-t-elle été un succès?  Si ce n’est pas le cas, pourquoi le ministère n’a pas pris les devants en proposant un moratoire dans son application en terminale? À l’opposé, si son introduction dans les premières années du cycle secondaire s’est passée sans anicroches, pourquoi alors la repousser aux calendes grecques?

Il est vrai que toute réforme amène son lot d’inconnues, d’incongruités et de réticences et ne s’implante qu’après une lutte acharnée contre l’incommensurable inertie du système éducatif existant. Aussi faut-il prendre en charge ces motifs d’irritation et en tenir compte dans une gestion globale et exhaustive, chapeautée par une commission nationale chargée du suivi de l’implantation de la réforme et ayant la composition la plus représentative possible du monde de l’Éducation.

Mais qu’est-ce donc cette approche dite « par compétences » qui fait tant couler d’encre et qui a fait descendre les élèves dans la rue?

La littérature nous montre qu’il n’est pas aisé de définir la notion de compétence. Disons que c’est « la capacité de mobiliser un ensemble de ressources pour traiter des situations complexes » [1]. Cette approche, provenant de l’enseignement technique et de l’apprentissage des métiers, se distingue nettement de l’approche traditionnelle qui est connue sous le vocable « approche par objectifs ». En effet, cette dernière n’est basée que sur l’enseignement des connaissances et des savoirs. Par contre, l’approche par compétences ne se contente pas d’enseigner les savoirs mais se veut une démarche plus vaste où les contenus notionnels ne sont qu’une ressource parmi tant d’autres que l’élève a en sa possession pour répondre à des situations complexes, contextualisées et signifiantes.

Outre les compétences disciplinaires (relatives aux matières), il existe des compétences dites transversales qui, elles, se déploient à travers divers domaines d’apprentissage, débordent les frontières disciplinaires et rendent compte de la complexité des interactions sociales [2]. Les pédagogues classent généralement ces compétences transversales en quatre ordres distincts : l’ordre intellectuel, l’ordre méthodologique, l’ordre personnel et social et finalement l’ordre de la communication. Sans rentrer dans des détails trop techniques, cette nouvelle approche permet à l’élève d’acquérir une expertise variée et effective qu’il peut mobiliser lors de la résolution de situations-problèmes complexes. On est très loin de la finalité de l’approche traditionnelle qui, elle, ne s’intéresse qu’aux connaissances et aux contenus notionnels disciplinaires.

« Il ne s’agit plus d’enseigner des contenus disciplinaires décontextualisés mais bien de définir des situations à l’intérieur desquelles les étudiants peuvent se construire, modifier ou réfuter des connaissances et des compétences à propos des contenus  disciplinaires. Le contenu disciplinaire n’est plus une fin en soi, il devient un moyen au service du traitement des situations, au même titre que d’autres ressources. » [3].

Les cours magistraux, les T.D. (travaux dirigés) et les T.P. (travaux pratiques) ne font appel qu’aux savoirs et, tout au plus, aux savoir-faire. L’approche par compétences, quant à elle, est axée sur la mobilisation de diverses ressources telles que les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être, les stratégies, les sources documentaires, les pairs, les professeurs, Internet, etc. Elle donne les moyens à l’apprenant de développer un savoir-agir qui lui permettra d’apprendre à apprendre et de devenir un autodidacte pérenne.

Cette approche, vous le comprendrez, a des impacts majeurs sur tout l’environnement pédagogique de l’élève. Primo, le rôle de l’enseignant est complètement modifié : au lieu d’être le seul détenteur du savoir et son unique transmetteur, il devient un accompagnateur, un motivateur, un guide. Cela ne diminue en rien son statut, bien au contraire. Il devient un spécialiste pédagogique qui axe son travail sur le processus d’apprentissage et non uniquement sur les contenus, mettant de l’avant une pédagogie différenciée dans laquelle chaque élève a droit à une méthode d’apprentissage qui lui est adaptée. Secundo, les apprentissages se font à l’aide de situations-problèmes (ou situations d’apprentissage et d’évaluation, SAE) socialement et culturellement contextualisées. Ces situations doivent être signifiantes de sorte que l’élève comprenne pourquoi il doit apprendre certains concepts et notions. Les approches pédagogiques favoriseront la pédagogie du projet et valoriseront le travail en coopération entre pairs d’une même classe ou de classes différentes. Tertio, le matériel didactique et les espaces physiques de travail doivent être repensés pour qu’ils accompagnent cette nouvelle vision de l’Éducation. Dans cet ordre d’idée, l’utilisation des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) doit avoir un rôle prépondérant dans le déploiement des compétences transversales.

Pour rendre plus concret mon propos, voici un exemple réel de SAE qui fait appel à la pédagogie du projet, la pédagogie de la coopération et fait intervenir des compétences transversales de différents ordres. Depuis le début de cette année scolaire, j’ai mis sur pied avec l’aide d’un collègue algérien, un projet de jumelage pédagogique international entre deux établissements pédagogiques : l’école secondaire La Dauversière (Montréal) et le Lycée technique Abou Abdallah Zerouali de Sig (Mascara) où mon confrère enseigne la chimie [4]. Chaque équipe (constituée de deux élèves algériens et de deux élèves québécois) a en charge la réalisation d’un diaporama multimédia sur un sujet scientifique choisi dans le programme officiel du Ministère de l’Éducation algérien. Les sujets sont variés et traitent aussi bien du dessalement de l’eau de mer que de la recherche et de l’extraction du pétrole (notez la signifiance des sujets). Les élèves ont donc à effectuer des recherches dans les livres, les revues, les CD-ROM, sur Internet  ou en prenant contact avec des experts. Ils devront colliger et organiser leurs informations (compétences d’ordre méthodologique). Ils seront amenés par la suite à exploiter leurs informations, à exercer un jugement critique et à mettre en œuvre leur pensée créatrice dans la conception d’un diaporama scientifique original (compétences d’ordre intellectuel). Ce travail nécessite la collaboration des élèves entre eux : définitions des tâches, échange des connaissances, respect de l’opinion de l’autre, règlement des conflits par le dialogue, etc. (compétences d’ordre personnel et social). Finalement, le travail final sera sous la forme de deux diaporamas multimédias, un en arabe et l’autre en français. Ces travaux seront présentés à l’ensemble des élèves et les concepteurs devront répondre aux éventuelles questions. Les diaporamas seront ensuite publiés sur un site que j’ai conçu et que j’administre depuis plusieurs années et qui est dédié à la vulgarisation scientifique (compétences d’ordre de la communication) [5]. Les élèves algériens sont accompagnés dans toutes les étapes de leurs projets par des professeurs de chimie, de physique, d’informatique, de français et d’arabe. Cette interdisciplinarité permet d’éviter le cloisonnement des connaissances tant décrié dans l’approche pédagogique traditionnelle et donne à l’apprenant la possibilité de se rendre compte que la vraie vie n’est pas compartimentée en matières comme c’est le cas à l’école.

Il est clair que la mise en place de toute réforme de l’Éducation nécessite des investissements considérables dans la formation des enseignants, la conception de matériel didactique, la restructuration des espaces de travail, la réorganisation du découpage disciplinaire des matières et l’incitation du personnel enseignant à travailler (tout comme les élèves) en coopération pédagogique. D’autre part, son application doit être progressive et commencer au commencement, c'est-à-dire à la première année primaire et non pas au début de chaque cycle. En outre, comme l’école a pour mission de diplômer, il est impératif de concevoir un système d’évaluation qui rend compte de tous les nouveaux changements cités auparavant, ce qui n’est pas une mince affaire. Il est, en effet, assez aisé d’évaluer des connaissances, mais la tâche devient plus ardue lorsqu’il s’agit de compétences. Ce problème est tellement complexe que même dans les pays occidentaux qui ont optés pour une approche par compétences, les solutions trouvées ne font pas totalement l’unanimité.

Au Québec, où la réforme éducative axée sur les compétences a commencé au début du cycle primaire, il y a de cela neuf années, n’en est encore qu’à la troisième année moyenne. Depuis son introduction, elle a été gérée, repensée, modifiée par plusieurs gouvernements et autant de ministres de l’Éducation. Les enseignants et leurs syndicats n’ont jamais cessé de relever les incongruités, les lacunes, le manque de formation du personnel, l’absence de vision claire de tout le volet évaluation, le retard dans la restructuration des espaces de travail, la prolifération de cycles courts de formation, l’absence de redoublement au primaire, etc.

La protestation est tellement grande au Québec qu’une coalition nommée « Stoppons la réforme » a été créée en novembre 2006. Elle est formée de parents, d’élèves, de citoyens, d’intervenants du monde de l’Éducation et d’organismes sociaux. Elle vise à arrêter l’implantation et le développement de la réforme scolaire pour corriger ses ratés [6]. Elle compte 8400 membres actifs et, à ce jour, plus de 26000 personnes ont signé la pétition réclamant la révision des programmes d’étude et de la politique d’évaluation des apprentissages.

Le 2 février dernier, une manifestation a réuni plus de 2000 personnes qui ont bravé la tempête de neige à Montréal pour réclamer un moratoire sur l'implantation de la réforme de l'Éducation au Québec. Ils exigent que le ministère de l’Éducation marque un temps d’arrêt pour remanier la réforme afin d’éviter « que toute une cohorte d’élèves n’en subisse des torts irréparables ».

De nombreuses personnalités politiques de premier plan se disent d’accord pour le moratoire. Parmi elles, l’ancien premier ministre du Québec qui était en poste lors de l’implantation initiale de la réforme. Selon lui, cette réforme n’a pas tenu ses promesses et il se dit consterné par le recul des résultats des élèves québécois dans les tests internationaux.

Comme la grogne s’amplifie et que les critiques se font de plus en plus acerbes, le ministère de l’Éducation a décidé, il y a quelques jours, d’arrêter, pour une année, la poursuite de l’implantation du programme de sciences et technologie.

Insuffler un vent de renouveau pédagogique à un système éducationnel n’est pas chose simple même dans des pays développés où l’Éducation est scrutée, testée, surveillée, comparée, critiquée et, surtout, évaluée.

La comparaison de la protesta au Québec avec celle de l’Algérie met en relief une différence fonctionnelle et culturelle de taille : nous, Algériens, fonctionnons avec les extrémités hiérarchiques, alors que dans les pays développés ce sont les acteurs qui sont situés entre ces deux extrémités qui montent au créneau.

Il est urgent de modifier nos pratiques surannées et de mettre en place des mécanismes plus efficaces de suivi de la réforme : la création d’un observatoire de la réforme, la mise en place d’indicateurs précis de son implantation, le relevé continu de la réalisation des objectifs fixés et l’évaluation systématique de son impact sur l’apprentissage à l’aide d’outils adéquats dont la participation à des tests internationaux.

La réforme que connaît actuellement le monde de l’Éducation, et qui est le fruit de plusieurs décennies de recherche dans ce domaine, représente, au début de ce troisième millénaire, un enjeu majeur pour la formation des citoyens. Ce renouveau pédagogique fait face à des bouleversements considérables comme la mondialisation, l’explosion des moyens de communication, la croissance vertigineuse des technologies et les modifications de la vie communautaire. Loin d’être une révolution qui renie tous les anciens paradigmes, il faut considérer cette réforme comme un aggiornamento qui formera un citoyen instruit, socialisé et qualifié, en phase avec les attentes de la société dans laquelle il vit.

Force est de constater que les lycéens, par leur action structurée, leur compréhension de l’impact de la réforme sur leur formation et leur avenir, leurs revendications simples et compréhensibles et leur manifestation pacifique ont fait preuve d’une haute maîtrise de différentes… compétences transversales.

Chapeau bas!


Références :

  1. G. Scallon. (Page consultée le 4 février 2008). Évaluer pour faire apprendre dans une approche par compétences, [En Ligne]. Adresse URL: www.mels.gouv.qc.ca/REFORME/Boite_outils/scallon2004.ppt
  2. Programme de formation de l’école québécoise, premier cycle du secondaire, Ministère de l’Éducation du Québec, 2002.
  3. Ce document peut-être téléchargé de l’adresse URL suivante : www.cstrois-lacs.qc.ca/recit/telecharge/pdf/0-13-0004-01.pdf
  4. Jonnaert, Philippe. Compétences et socio-constructivisme.  Un cadre théorique, De Boeck, 2002, 100 p.
  5. Un site Web a été conçu pour accueillir ce projet. Son adresse URL est : http://mendeleiev.cyberscol.qc.ca/scienceanimee/Projets/Projet2008/Algbec_home_Flash.htm
  6. Pour des explications plus détaillées sur le dispositif pédagogique « Science Animée » et ses objectifs pédagogiques, vous pouvez consulter les articles suivants :Science animée: un dispositif efficace pour l’atteinte des objectifs de la réforme dans l’enseignement des sciences au secondaire.
    • Partie 1: Des compétences transversales d’ordre intellectuel et méthodologique”, A. Bensaada, Revue Spectre 33, 4, Avril-Mai 2004
    • Partie 2: Des compétences transversales d’ordre personnel, social et de la communication”, A. Bensaada, Revue Spectre 34, 1, Octobre-Novembre 2004
    • Partie 3: Des domaines généraux de formation et d’apprentissage”,A. Bensaada, Revue Spectre 34, 2, Décembre-janvier 2005
  7. Ces articles peuvent être téléchargés à l’adresse URL : http://mendeleiev.cyberscol.qc.ca/scienceanimee/Abensaada/Articles_pedagogie.htm
  8. Stoppons la réforme. (Page consultée le 5 février 2008). Formation d’une coalition, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.stopponslareforme.qc.ca/coalition.aspx