Un livre-brulôt d’Ahmed Bensaada sur le «printemps arabe»

Des partis politiques comme le RCD, le Taj ou encore des ONG comme la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LAHDD), ont été formés - financés aussi pour certains d’entre eux - par les Occidentaux, plus particulièrement par les USA pour faire entrer l’Algérie dans le tourbillon dudit «printemps arabe».

Ces informations sont dans l’essai d’Ahmed Bensaada, Arabesque$, Enquête sur le rôle des États-Unis dans les révoltes arabes, qui est arrivé sur les étals des libraires algériens deux semaines avant l’ouverture du salon du livre d’Alger. L’auteur, résident à Montréal a fait, à la fin de ce mois d’octobre, le déplacement à Alger pour la promotion de son livre mais aussi pour rencontrer les Algériens autour d’un thème sur lequel il a beaucoup travaillé, « le printemps arabe » qui se trouve être le sujet de son ouvrage.

Arabesque$, Enquête sur le rôle des États-Unis dans les révoltes arabes est l’actualisation d’un précédent travail publié en Algérie en 2012. Se rendant compte, à l’instar de quelques intellectuels, de la très forte et intrigante implication des États- Unis dans les soulèvements populaires qui secouèrent la Tunisie et, à sa suite plusieurs pays arabes, l’auteur va mener une enquête au pas de charge mais avec une rigueur scientifique imparable. Cette dernière est publiée avec une grande célérité sous forme d’un essai intitulé Arabesque américaine dès avril 2011.

L’actualisation de l’essai apporte, dans sa version de 2015, de nouvelles informations ainsi que plus de précisions car Bensaada a continué son immersion dans les archives officielles américaines et profite de cette manne inespérée qu’offre, à partir de 2011, la publication de milliers de câbles diplomatiques US par Wikileaks. L’investigation, menée avec une adresse chirurgicale, aboutit à la description et à l’explication du rôle joué par les États-Unis dans les révoltes ont pulvérisé les pouvoirs de plusieurs dictateurs mais ont, par la même occasion, précipité pratiquement tous les pays touchés dans un chaos infernal fait de guerres civiles, de morts par dizaines de milliers, des millions de personnes chassées de chez elles et de destructions qui impacteront douloureusement les peuples pendant des décennies.
Pour reconstituer l’immense puzzle américain mis en place à la mode d’un guet-apens, Bensaada démêle une à une les pièces qu’il a accumulées lors de ses recherches pour les remettre à la bonne place dans Arabesque$. Il en arrive ainsi à situer les organismes, ONG, fondations privées et entreprises multinationales du numérique mobilisés par les autorités étasuniennes pour opérer les changements dans les pays arabes tels que l’exigent ce que eux mêmes dénomment leurs « intérêts nationaux ».

Il s’agit de montages sophistiqués qui ne lésinent pas sur les moyens techniques et financiers. Bensaada décrit , explique et commente le rôle de la NED (National endowment for democracy en français la fondation nationale pour la démocratie) qui a pris en charge une bonne partie des missions assumées jusque dans les années 80 par la CIA. Il lève le voile sur les actions confiées au National démocratic institute (NDI), qui soit dit en passant a été actif pendant des années en Algérie, à Freedom House et à tant d’autres organismes directement liés à l’administration américaine et coordonnés par la CIA.
Comme il met en lumière les efforts politiques logistique et financiers consentis par le milliardaire spéculateur Georges Soros qui a été très actif contre les gouvernants serbes et ukrainiens entre autres. La démonstration s’ingénie ensuite à suivre les fils conducteurs jusqu’aux nombreuses ramifications à travers des hommes qui s’avèrent avoir des historiques révélateurs pour avoir occupé des postes dans les services de renseignement ou dans la haute administration. Ces ramifications conduisent jusqu’à l’American Israël public affairs Commitee AIPAC le fameux et puissant lobby juif acquis corps, âme et finances au sionisme et à Israël. 

Pour expliquer comment a fonctionné ce puzzle avec autant d’efficacité l’auteur remonte aux «révolutions colorées» qui ont permis, dix avant le « printemps arabe » d’expérimenter avec succès la politique américaine de changement dans plusieurs pays de l’Europe de l’est, du Caucase et d’Asie centrale.
Avant de se pencher sur ce mode opératoire dans six pays arabes et maghrébins dont l’Algérie, Bensaada a également révélé comment les autorités américaines ont utilisé les entreprises les plus influentes du net pour donner aux organisations locales de nouveaux moyens de d’organisation, de communication et donc d’action sur le terrain. Signalons enfin qu’Arabesque$ se termine par un annexe comprenant des documents indiquant comment et avec quelle ampleur les Américains ont financé les organisations locales en Algérie, en Egypte, en Syrie etc agissant sur leurs ordres.
Le fin mot de ce livre, comme d’ailleurs l’indique la réalité sur le terrain, est exprimé par un intellectuel belge Michel Collon qui fait remarquer qu’il s’agit de contre révolutions destinées à empêcher les peuples d’opérer de véritables changements. Et Bensaada de relever que les monarchies du golfe qui sont encore pire que les dictatures n’ont pas été inquiétées.

 


 

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