ALGER -  L'universitaire et analyste politique algérien, Ahmed Bensaada a plaidé pour un encadrement juridique du financement étrangers des Organisation non gouvernementales (ONG), allant dans le sens de son interdiction, notamment le financement de celles impliquées dans les manifestations en Algérie.

Le docteur  Bensaada, qui est également chercheur dans le domaine des mouvements populaires, s’est ainsi interrogé, dans un entretien accordé à l'APS, "s’il faut légiférer pour encadrer, contrôler voire interdire le financement étranger des ONG en Algérie", estimant à cet effet qu’il s’agit "certainement d’un point sur lequel il est impératif de se pencher sérieusement dans un avenir très proche".

"En Algérie, plusieurs ONG locales financées par les organismes américains ont été très visibles lors des manifestations, aussi bien en 2011 que lors du Hirak, en 2019-2020", a-t-il fait observer, précisant que le champ d'activité de ces ONG englobe "les droits de l'Homme, la jeunesse, les familles des disparus...etc"

"Lors des protestations populaires, ces activistes se mettent aux premières loges des manifestations et tentent de les diriger selon des agendas concoctés à l’étranger", a encore fait savoir le docteur Bensaada, auteur de plusieurs publications et articles dans différents périodiques et sites électroniques.

"Il est quand même curieux de constater que les ONG qui reçoivent des subsides étrangers sont toutes sur la même longueur d’ondes concernant leurs revendications", a-t-il encore noté, s’interrogeant aussi si "ce n’est pas un seul petit bémol".

Expliquant le fonctionnement des ces ONG, docteur Bensaada a indiqué que "des activistes locaux, regroupés ou non dans des ONG locales sont choisis, financés, formés et ‘réseautés’ dans leur région d’appartenance comme la région MENA pour les pays arabes".

En outre, il a fait savoir que l’utilisation de ces organismes a prouvé l’efficacité du "soft power" américain dans les "Révolutions colorées" (Serbie, Géorgie ou Ukraine) et lors du "Printemps arabe" en Tunisie, Egypte, Libye, Syrie et Yémen, citant à ce sujet des figures ayant marqué les mouvements populaires dans ces pays.

 

Des ONG bannies dans plusieurs pays

 

Qualifiées  d’"Organisations Non Grata", ces ONG ont été bannies de certains pays comme la Russie qui a interdit USAID (United States Agency for International Development, ou Agence américaine pour le développement international) pour "ingérence" dans des affairs politiques intérieures, a-t-il notamment relevé.

Il a fait avoir également qu’en Amérique latine, les pays de l’ALBA (Alianza Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América) ont signé une résolution (2012à pour l’expulsion immédiate de l’USAID des pays membres de l’Alliance (Bolivie, Cuba, Equateur, Dominique, Nicaragua et Venezuela).

D’autre part, certains pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se sont dotés de lois interdisant ou renforçant le contrôle des ONG sur leurs sols.

Depuis 2014, les ONG travaillant en Egypte ont l’obligation de s'enregistrer auprès des autorités sans quoi, elles risquent la saisie de leurs biens ou des poursuites judiciaires. En outre, les autorités doivent également approuver tout financement venant de l’étranger, a-t-il souligné.

Les Emirats arabes unis (EAU) ont également procédé, en 2012, à la fermeture des bureaux de plusieurs ONG étrangères.

Relevant que ces Organisations sont beaucoup plus anciennes, il a rappelé que les entités regroupées sous le vocable d’ONG ont connu un essor fulgurant dans les années 80 et 90 du siècle dernier et leurs domaines d’intervention se sont diversifiés, à savoir l’urgence humanitaire, l’alimentation, les droits de l’Homme ou l’environnement.


Dans ce sillage, il a cité la militante Ana Minski selon laquelle "la prolifération des ONG au Sud, dans les années 1990, est indubitablement liée à l’affaiblissement des capacités gouvernementales à fournir des services publics, résultat des politiques néolibérales qui se sont imposées dans le contexte d’un capitalisme mondialisé et fortement financiarisé".

Pour lui, à cause des politiques d’austérité et de réduction des dépenses publiques, les gouvernements se sont tournés vers les ONG pour fournir des services à bas prix, précisant que par le passé, ils assuraient ces services dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de la culture, etc.

Se référant aux propos de l’écrivaine indienne Arundhati Roy, il a encore expliqué que ces ONG distribuent au compte-gouttes, sous forme d’aide ou de bénévolat, ce à quoi les gens devraient normalement avoir droit, ce qui amène certains spécialistes à qualifier les ONG de "cheval de Troie du néolibéralisme".

Il a ajouté qu’avec la fin de la Guerre froide, les ONG ont été utilisées à d’autres desseins, à savoir la "démocratisation" des pays de l’Est qui était dans le giron soviétique, afin de les extraire de l’influence russe.

Dans cet objectif, il a fait savoir qu'un arsenal d’organismes spécialement dédiés à cette tâche a été déployé.

L'auteur de l'enquête sur les "révoltes rabes", intitulée "Arabesque américaine" a également suggéré la satisfaction de certains critères pour mériter l'appellation d'ONG, dont "l'origine privée de sa constitution, le but non lucratif de son action, son indépendance financière, son indépendance politique et la notion d'intérêt public de sa mission".

Dans le cas d'un nombre important d'ONG ayant pignon sur rue, ces conditions ne sont jamais réunies et les financements non-contrôlés sont souvent d'origine étrangère, a-t-il conclu.

 

Source

APS