ENQUÊTE SUR LES DESSOUS DU «PRINTEMPS ARABE» : Ahmed Bensaada dévoile le mode opératoire américain

 

Enquête sur les dessous du « printemps arabe »

Ahmed Bensaada dévoile le mode opératoire américain

Brahim Benssadek


Avec
Arabesque$, Enquête sur le rôle des États Unis dans les révoltes arabes Ahmed Bensaada démontre qu’il est possible de ramer à contre-courant, même face au puissant mascaret constitué de cette immense et apparemment irrésistible masse des médias occidentaux tous (ou presque) mobilisés pour imposer une pensée unique sur ce qui s’appelle « le printemps » arabe. Il ne va se passer que quelques semaines des débuts de l’année 2011 pour que les observateurs les plus avertis en viennent à se rendre à l’évidence : les effluves printanières du jasmin ont été récupérées et transformées en une bourrasque ravageuse sentant la mort et le sang, enfonçant dans la ruine et le deuil plusieurs pays. Les  vrais desseins de l’ingérence de l’Occident n’ont, en effet, pas tardé à apparaitre dans toutes leurs dimensions : mises sur pied de coalitions militaires internationales interventionnistes, guerres civiles sanglantes, guerres régionales meurtrières, infrastructures de base rasées, déplacements massifs des populations, menaces de démembrement des pays ciblés... Les promesses de démocratisation ont été rapidement contrefaites en lendemains destructeurs profondément marqués par une instabilité chronique. Les arrières pensées des Américains et de leurs alliés s’affichent, comme le fait remarquer Michel Colon dans la préface à Arabesque$, Enquête sur le rôle des États Unis dans les révoltes arabes de l’édition belge, en ambitions déterminées à empêcher les peuples révoltés de réussir de véritables révolutions libératrices.

Ahmed Bensaada est de ces intellectuels rapidement réactifs, habitué à l’argumentaire rigoureux par son parcours d’universitaire au long cours scientifique. Dès le début de 2011, il s’attèle à la tâche pour examiner ce qui va se révéler être une immense toile d’araignée composée par un écheveau d’organismes dont l’action est coordonnée par Langley et financée par les hautes autorités américaines. Les alliés européens agissent comme aides de camps et les monarchies arabes comme des supplétifs mercenaires prêts à dépenser sans compter pour la guerre. Dès la fin d’avril 2011, l’essai de Bensaada, une enquête minutieuse, est mis sur le marché québécois par la maison d’édition Michel Brûlé sous le titre Arabesque américaine. L’ouvrage sera réédité par les Éditions algériennes Synergie et distribué en 2012.

Arabesque$, publié en septembre 2015 par la maison belge Investig’action est une édition revue, augmentée et enrichie de Arabesque américaine. C’est cette œuvre très riche en éléments d’information qui nous arrive en Algérie au début de ce mois d’octobre grâce aux bons soins de l’ANEP. Michel Collon dit de Bensaada dans sa préface de l’édition belge qu’il « pose toutes les questions qui préoccupent chacun de nous. » Citons en une : « Si vraiment les États Unis ont soutenu le « printemps » arabe pour aider « la démocratie », comment se fait-il que cette lutte n’ait touché aucune des monarchies arabes. »

L’auteur ne va pas se contenter de poser des questions. Comme en 2011, il va continuer à fouiner tel un fin limier. Il compulse les câbles de Wikileaks, les archives américaines, les médias et autres documentations disponibles mais pas forcément aisément consultables ou facilement visibles. Aussi vaste et compliquée que soit la toile d’araignée, il finit par comprendre comment sont articulées les ramifications de l’écheveau. Pour donner à appréhender les dimensions du gigantesque assemblage mis en branle par les États Unis pour restructurer le Moyen Orient et le Maghreb et les réadapter à leurs intérêts, Bensaada analyse leurs actions en Égypte, en Tunisie, au Yémen, en Algérie, en Syrie et en Libye.

Auparavant, il consacre trois chapitres au mode opératoire sophistiqué mis en plan par les États Unis. Ce dernier bénéficie déjà de plusieurs années de mise à l’épreuve sur le terrain. C’est en effet dans les « révolutions colorées » que l’auteur observe les précédents détaillés de la démarche américaine. Durant la première moitié des années 2000, même si elles sont présentées comme l’aboutissement de mouvements spontanés par les médias occidentaux « (…) « les révolutions colorées » sont en fait le résultat d’une vaste planification », écrit-il. Cette planification, Bensaada va la décortiquer dans son 1er chapitre en décrivant l’articulation des organismes américains, les modes de leur financement et les logistiques mises à leur disposition afin qu’ils puissent se déployer efficacement sur le terrain pour abattre les régimes périphériques de la Russie.

La nouveauté dans la démarche consiste à charger un large groupe d’organismes soit disant indépendants de missions dévolues jusque-là à la CIA et autres agences américaines de l’intelligence, du renseignement et des actions subversives. Le déploiement de cet ensemble, largement financé par le budget de l’État, s’effectue dans le pays ciblé telle l’attaque fulgurante d’un commando de combat. Des relais locaux sont recrutés à l’image d’Otpor en Serbie, généreusement servis en dollars et poussés à l’action lorsque la situation est suffisamment mure pour ce faire. C’est à ce moment qu’interviennent de nouveaux acteurs : les multinationales du numérique. La boucle est bouclée. La révolution est lancée. Pourtant dans aucun pays elle n’a abouti sur des lendemains d’espoir. Souvent comme en Ukraine, en Lybie, en Syrie, en Égypte et même en Tunisie la déstabilisation a ouvert les portes de l’enfer.

Le livre consacre un chapitre à l’Algérie. Bensaada a, là aussi réussi à retrouver de la documentation qui lui permet de citer associations, syndicat et partis politiques dont certains ont bénéficié durant près d’une quinzaine d’années de prébendes généreusement consentis par la toile d’araignée. Le collectif des familles de disparus (CFDA) a été le plus arrosé soit 247900 $ entre 2005 et 2011. La Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LAHDD) s’est aussi fait bourrer les poches : 117000 $ entre 2002 et 2010. Ce chapitre donne beaucoup d’autres information sur les relations entre des acteurs politiques et sociaux et soit, l’ambassade américaine soit, des organismes étatsuniens. Il ne faut surtout pas penser qu’il s’agit de simples assertions. Bensaada documente les informations qu’il avance avec des câbles Wikileaks ou encore mieux, des archives officielles américaines, publiés en annexe joint à la fin de l’ouvrage.

 

Actuellement disponible dans les librairies algériennes


Source: