Washington tente de taire son implication active

Quel rôle ont joué les États-Unis dans les révolutions arabes ?

Youcef Bendada (La Tribune)


Cette embellie, qui n’a pas dit son dernier mot, donne déjà lieu à d’innombrables analyses de la part d’experts, de politologues et autres spécialistes de la géopolitique. Parmi les plus récentes approches pour la compréhension de cette révolte de la rue arabe, l’une des plus originales nous est proposée à Montréal par notre compatriote Ahmed Bensaada, physicien et pédagogue ayant brillé dans son domaine en décrochant toutes les distinctions qu’un enseignant de son gabarit rêve d’avoir au cours de sa carrière ! Il nous propose une lecture originale des événements qui ont secoué les pays arabes et qui n’en finissent pas de durer dans certains autres.


Sans renier totalement le fait que les mouvements de mécontentement ont été nourris par une détresse insoutenable et un malaise qui s’amplifie régulièrement pour rejeter les pouvoirs dictatoriaux, l’auteur met en lumière un certain nombre d’éléments qui démontrent que les Etats-Unis d’Amérique «étaient déjà à l’œuvre, qu’ils avaient commencé à former et à financer les cyberdissidents et leurs relais intérieurs».Pressentant que sa démarche allait susciter circonspection et incrédulité, l’auteur nous prévient d’entrée «qu’il y a pire que de ne pas être informé : c’est penser l’être». Alors, et pour ce faire, il engage sa démarche en direction des ONG américaines qu’il soupçonne être partie prenante de la révolte de la rue arabe après avoir obtenu d’excellents résultats en Serbie (2000), en Géorgie (2003) en Ukraine (2004) pour ne citer que ces exemples.

Arabesque américaine
Dans son ouvrage intitulé Arabesque américaine, le rôle des Etats-Unis dans les révoltes arabes d’une centaine de pages complété par des annexes particulièrement documentées, il révèle le rôle insidieux, sournois et même quasi officiel des organisations étasuniennes aidées par la technologie facebookienne et qui ont, sans grand bruit, formé les leaders des mouvements de protestation et encouragé la jeunesse arabe à se révolter pour chasser les dictatures avec lesquelles ils n’ont eu aucun mal ni scrupules à collaborer. Pire encore, certaines ont même été installées confortablement au pouvoir pour ruiner leurs pays respectifs et pomper les richesses du sous-sol au profit de leurs parrains. D’ailleurs, ces ONG ne se sont jamais cachées de l’appui qu’elles assuraient aux jeunes en mal d’en découdre dans leurs pays avec des dirigeants qui ont confisqué le pouvoir pour en faire une propriété personnelle qu’ils se destinent, au crépuscule de leur vie, à léguer, qui pour sa progéniture et qui pour sa fratrie.

Des ONG au-dessus de tout soupçon
Cela est particulièrement flagrant en Egypte. En effet, dans son article publié dans le quotidien américain The Washington Post, C. J. Hanley note qu’on estime que «depuis 2005, plus de 10 000 Egyptiens ont participé à des programmes de démocratie et de gouvernance financés par la USAID et organisés par l’International republican institute) (IRI), le National democratic institute (NDI) et
28 autres organisations internationales et égyptiennes». Il n’en fallait pas plus pour que l’auteur consacre une large place
de son essai à étayer sa thèse et va même livrer dans le corps de l’ouvrage les associations et autres bénéficiaires des sommes consenties en 2009 par la NED (National endowment for democracy) aux «révolutionnaires» en mal de démocratie. Ainsi, si les ONG algériennes, au nombre de trois, n’ont reçu que la modique somme de 250 000 dollars durant cette année, les égyptiennes ont obtenu un montant bien plus conséquent, 1 400 000 dollars.Ce travail de fourmi que M. Bensaada a engagé lui permet d’étayer et d’accréditer cette thèse de manipulation de la jeunesse arabe au regard de l’implication de hautes personnalités jouant un rôle politique majeur aux Etats-Unis. Ainsi, nous apprenons que Madeleine Allbright, qui a été la puissante secrétaire d’Etat de la période Clinton, dirige le NDI, que John Mc Cain, le sénateur et rival de Barak Obama lors de la dernière élection à la Maison-Blanche, est à la tête de l’IRI, pour ne citer que celles-là, et qui «sont financées par la NED fondation dédiée à la croissance et au renforcement des institutions démocratiques partout dans le monde et bien souvent qualifiée d’organisme écran de la CIA».

La stratégie des dominos est-elle de retour ?
A l’évidence, et le bouleversement que connaît la région du nord de l’Afrique ne nous démentira pas, il y aurait comme un retour à la fameuse théorie des dominos qui, à terme, modifiera le rapport des forces dans la région et bénéficiera à ceux qui se sont montrés plus malins dans cette partie d’échecs pensée et lancée par la CIA depuis l’effondrement du bloc soviétique. Les faits graves qui se déroulent sous nos yeux en Libye en instance de division, la partition déjà accomplie du Soudan sont les prémices d’une reconfiguration dans la région et de laquelle la présidence bling bling de Sarkozy associé pour la circonstance au botulien Bernard Henri Lévy, tente d’en tirer les dividendes, alors que son mandat de président tire à sa fin dans une ambiance délétère. Il joue ainsi à qui perd gagne en voulant prendre la tête d’une nouvelle croisade, n’est-ce pas M. Guéant, en Afrique du Nord pour éviter une déconfiture lors des prochaines présidentielles, alors que les sondages le donnent bon perdant dans tous les cas de figure. Sa stratégie de copier, en roulant des mécaniques, son copain qu’il admire George W. Bush aura été vaine !

 

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