Élections au Québec: la désinformation d’El Watan

Dimanche, 13 Avril 2014 13:48 Ahmed Bensaada
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Le compte-rendu des récentes élections québécoises, publié le 9 avril 2014 par le journal algérien El Watan [1], comporte plusieurs éléments qui peuvent s’apparenter à de la pure désinformation.

Tout d’abord, il y a le titre. Quand on proclame que « le Parti québécois (PQ) entraîne dans sa chute les candidat(e)s d’origine algérienne », on sous-entend que ces candidat(e)s auraient pu être élu(e)s si ce n’était la débâcle du Parti québécois (PQ). Or, il n’y a rien de plus faux. En effet, deux des quatre candidats algériens, en l’occurrence Rachid Bandou et Djemila Benhabib, ont été battus il y a 18 mois, lors des dernières élections provinciales, alors que le PQ avait obtenu plus de sièges que le Parti libéral du Québec (PLQ). Les deux autres candidates, Yasmina Chouakri et Leila Mahiout, en étaient à leur première expérience électorale et ce, dans des bastions libéraux si bien organisés qu’il aurait été impossible de les conquérir, même en cas de large victoire péquiste.

Leila Mahiout Yasmina Chouakri Rachid Bandou Djemila Benhabib

Les candidats algériens du PQ

 

Lorsque l’auteur de l’article parle des « déplorables sorties racistes de l’écrivaine et ancienne journaliste Janette Bertrand », il omet de signaler que ce racisme était exclusivement dirigé envers les musulmans et que Djemila Benhabib fait partie des « Janette », groupe de femmes farouchement pro-Charte (et antimusulman) créé par Janette Bertrand [2]. En plus, aucun des candidats algériens n’a dit mot contre les élucubrations islamophobes de cette dame pour la ramener à l’ordre ou, tout au moins, pour compatir avec leur communauté qui a été blessée par ses propos.

Ensuite, en insinuant que les candidats algériens du Parti québécois PQ ont été battus car leur parti « les a envoyés se battre dans des châteaux forts tenus par des ténors du Parti libéral du Québec (PLQ) » le journaliste oublie de mentionner que de nombreux candidats « pure laine » du PQ ont été balayés dans des châteaux forts péquistes, parmi eux de nombreux ministres en poste. Pauline Marois elle-même, la leader du PQ et Première ministre du Québec a essuyé un rude camouflet électoral dans son propre fief.

 

Janette Bertrand et l'histoire de la piscine

 

Caricature des "Janette"


Dans un passage, l’article fait l’éloge des candidats en mentionnant « leurs bagages universitaires et leur expérience ». Sans trop disserter sur leur nature, doit-on rappeler que, dans le jeu politique, ces diplômes représentent une condition souvent nécessaire mais non suffisante? Ce qui fait la différence, c’est le charisme, la noblesse des valeurs défendues, la justesse des causes et l’empathie envers sa communauté, surtout si elle est stigmatisée.

Concernant la « Charte des valeurs québécoises », projet inspiré par l’extrême-droite ultranationaliste européenne, elle n’avait en réalité pour objectif que de montrer du doigt les femmes voilées et de bannir le hijab musulman de la fonction publique. Aussi surprenant que cela puisse paraître l’auteur de l’article essaie de la défendre : «  Il y a eu de la mobilisation contre ce projet de loi, qui même si le principe de la laïcité mis de l’avant ne peut être contesté, a été mal présenté et a ouvert la porte à des dérapages islamophobes et racistes ».

Ainsi, d’après lui, le problème n’est pas la Charte elle-même, mais sa présentation à la population, comme si les citoyens québécois n’étaient pas capables de comprendre tous seuls la discrimination, l’injustice, l’exclusion, bref la nocivité sociale contenue dans un tel projet. Le journaliste, serait-il lui aussi, à l’instar des candidats algériens, un défenseur de la Charte controversée?

Les résultats des urnes ont clairement montré que les électeurs québécois avaient bien compris, contrairement au journaliste, la teneur d’une telle Charte et l’ont massivement rejetée.

En sa double qualité de membre et d’observateur de la communauté, l’auteur de l’article aurait dû comprendre pourquoi la mobilisation de la communauté « n’a pas servi les candidats d’origine algérienne » et qu’ « elle les aurait même desservis dans certains cas ». La réponse est pourtant simple: la communauté a non seulement voté contre la Charte, mais s’est aussi fortement et particulièrement mobilisée contre tous les candidats algériens. Une façon de les sanctionner pour avoir, tout au long de cette campagne, défendu des intérêts totalement contraires à ceux de leur communauté.

 

Affiches de Pauline Marois et Djemila Benhabib vandalisées avec des croix gammées dans la circonscription où l'Algérienne était candidate

(Source)


Si le chroniqueur québécois Alain Dubuc affirme que Pauline Marois a été « punie » par les électeurs pour avoir joué sur « le terrain de l'extrême droite européenne », que dire de nos « politiciens » en herbe? Qu’ils ont été sévèrement défaits pour avoir allègrement pataugé dans une marre nauséabonde?

Finalement, et sans doute le plus grave dans cet article, c’est cette notion de « "vrai-e-s"  intégristes » introduite par l’auteur, comme s’il en existait des faux.

En utilisant cette terminologie, tenterait-il, par hasard, de faire l’apologie de cette fameuse théorie du complot baptisée « péril vert » par l’extrême droite européenne, à l’image du Front national français (FN)? Cette théorie importée de France par Djamila Benhabib et exposée dans son chimérique brûlot « Les soldats d’Allah à l’assaut de l’Occident »?

 

Cliquez sur l'image pour lire l'excellente et honnête critique de l'ouvrage signée par le journaliste Patrick Lagacé

 

J’avais compris que le but de cet article était de défendre l’ex-consœur Benhabib qui occupait avant lui son poste de correspondant montréalais à El Watan, mais de là à ce que l’auteur de l’article  épouse ses thèses farfelues et ses combats donquichottesques, je dois avouer que c’est tout une surprise!

Ou peut-être se garde-t-il une marge de manœuvre pour décorer, lui aussi, un poteau péquiste lors des prochaines élections?

Arnold Bennett, écrivain et journaliste britannique, prétendait que « les journalistes disent une chose qu'ils savent ne pas être vraie, dans l'espoir que, s'ils continuent à l'affirmer assez longtemps, elle deviendra vraie ».

Dans le cas qui nous concerne, l’attente sera longue, très longue. Assez longue pour que ces candidats algériens, emportés par la bourrasque anti-charte et désavoués par leur communauté, désertent à tout jamais les poteaux québécois et se trouvent des emplois, de vrais emplois, qu’ils garderont jusqu’à leur retraite.

Entre-temps, espérons que notre communauté se trouvera de vrais militants qui défendront sa cause et son existence pacifique, loin des extrémismes, dans un Québec serein, accueillant et inclusif.

Aux antipodes de celui des Benhabib et consorts qui ont, naguère, « démocratiquement » mordu la poussière…

 

Les Québécois prennent soin | Quebecers Care

 

Références

  1. Samir Ben, « Le Parti québécois entraîne dans sa chute les candidat(e)s d’origine algérienne », El Watan, 9 avril 2014, http://www.elwatan.com/international/le-parti-quebecois-entraine-dans-sa-chute-les-candidat-e-s-d-origine-algerienne-09-04-2014-252710_112.php
  2. Les Janette, « Cosignataires », http://lesjanette.org/cosignataires/

 


 

Les "Janette"

 

Janette Bertrand fuyant la burka

Parodie du fameux tableau "Le cri" d'Edvard Munch