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Journal Al Akhbar: Entretien

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Entretien: Lina Kennouche

 

 

La sortie du nouveau livre de l'intellectuel algérien Ahmed Bensaada Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien ? (Éditions APIC, Alger, 2020) a suscité une levée de boucliers dans la presse locale et un virulent débat sur les réseaux sociaux. Cette publication qui lève le voile sur l'identité des acteurs ayant tenté d’instrumentaliser le mouvement de contestation en Algérie dans une logique carriériste ou pour le compte de puissances étrangères a valu à Ahmed Bensaada une série d'attaques personnelles.

Pour l'auteur, accusé d'être un agent du pouvoir algérien qui chercherait à décrédibiliser le Hirak, ce déchainement de passions des journalistes ayant reconnu ne pas avoir lu le livre, reflète l’énorme indigence du système médiatique algérien, dont le fonctionnement est en parfaite contradiction avec les aspirations d'une Algérie nouvelle exigeant intégrité, transparence et déontologie. « Le Hirak a été considéré, depuis sa naissance, comme un objet sacré et tout embryon de critique est immédiatement jugé comme une hérésie. Alors que j'avais pensé que mon livre allait être une occasion pour ouvrir un débat sérieux sur le Hirak et ses différentes composantes, les attaques ad personam ont fusé, parasitant et paralysant toute initiative dans ce sens. Une technique vieille comme le monde : jeter le discrédit sur l'auteur pour le disqualifier et tuer dans l’œuf toute discussion » déplore Ahmed Bensaada qui regrette dans ces réactions un mélange de divinisation du Hirak et de naïveté d'analyse déconcertante au vu des soubresauts sanglants et dramatiques qu'a connu le Moyen-Orient depuis 2011.

L'idée du livre, qui s'inscrit dans la continuité des enquêtes précédentes de Bensaada sur le dispositif américain d’« exportation » de la démocratie à travers le monde via le rôle des ONG, est née en réaction à une déclaration du sociologue Lahouari Addi. Moins d'un mois après le début du Hirak, ce dernier a appelé à la démission du président de la République et proposer de solliciter Mustapha Bouchachi, Zoubida Assoul et Karim Tabbou pour exercer les prérogatives d'une présidence collégiale. Cette instance aurait été chargée de nommer un gouvernement provisoire pour expédier les affaires courantes et préparer les élections présidentielle et législative dans un délai de 6 à 12 mois. « J'ai trouvé étrange que pour un mouvement qu'on prétend sans leader, un triumvirat soit proposé aussi rapidement. Sur quels critères ces personnes ont-elles été choisies? Des sondages d’opinion ont-ils été organisés? Ces personnes se connaissaient-elles avant le Hirak? De quelle prérogative a usé M. Addi pour mettre en avant certains noms et pas d’autres ? Tout en évitant sciemment de traiter du cas de M. Tabbou ― étant donné qu'il est actuellement emprisonné et en attente d'un procès ― j'ai essayé de trouver des dénominateurs communs susceptibles de relier ces personnes. J'en ai décelé deux : premièrement, leur proximité avec les Etats-Unis et deuxièmement leurs liens étroits avec des représentants du FIS (Front Islamique du Salut) dissous. Des dizaines de références ainsi qu’une importante section contenant divers documents relatifs au faits cités appuient cette double relation » explique Ahmed Bensaada qui pourrait prochainement faire l'objet de poursuites judiciaires.

Lahouari Addi, a, en effet, déclaré dans un entretien pour le média Reporters : « dès que les conditions politiques s'éclairciront dans notre pays, je déposerais plainte contre l'auteur et contre la maison d’édition ». Pourtant, selon Ahmed Bensaada, son livre n’est nullement conçu comme un réquisitoire contre des personnes mais établi des faits relatifs à la foultitude de moyens utilisés par les organismes étasuniens afin de préparer une orientation des mouvements populaires lorsqu'ils se déclenchent.

« Je tiens à préciser que ce ne sont pas ces organismes qui ont créé le Hirak ou toute autre révolte de la rue arabe. La contestation populaire est causée par de véritables problèmes de société mais par contre dès que la rue gronde et que les manifestations prennent de l'ampleur, les groupes formés à la « lutte non violente » et au cyberactivisme montent au créneau pour orienter idéologiquement la contestation avec l’appui d’un fort battage médiatique complaisant. Et c'est à ce moment que les agendas étrangers sont déployés » estime l'auteur. D'après lui, des ONG locales sont financées et leurs activistes formés par des organismes appartenant à un dispositif américain d’« exportation » de la démocratie, et servent donc de « cheval de Troie » qu'il est possible d'activer au temps opportun. Outre la NED et ses quatre satellites qui sont le NDI (National Democratic Institute), l’IRI (International Republican Institute), le Solidarity Center et le CIPE (Center for International Private Enterprise), ce dispositif regroupe l’USAID, Freedom House, le MEPI (Middle East Partnership Initiative), POMED (Project on Middle East Democracy) et l’OSI (Open Society Institute) appartenant aux fondations de George Soros.

L'auteur constate, par ailleurs, de nombreuses similitudes entre le Hirak algérien de 2019 et le mouvement de contestation au Liban en 2015. « Tous les « ingrédients » observés au Liban, à savoir des ONG financées par les organismes américains d'« exportation » de la démocratie, la proximité de certains activistes avec l'ambassade américaine, la surmédiatisation des figures de la contestation par des médias complaisants, l'utilisation sur le terrain des techniques de la « lutte non violente » vulgarisées par les Serbes de CANVAS, l’usage efficace des nouvelles technologies, sont présents dans le Hirak algérien » explique-t-il.

Ahmed Bensaada avait déjà publié en avril 2019 un article fouillé sur les techniques utilisées dans le mouvement de contestation en Algérie et qui suivent à la lettre le manuel de CANVAS où sont recensées les 199 méthodes d'actions non violentes. Outre la maîtrise de ces techniques qui ne pouvait être, selon l'auteur, que le résultat de formations préalables, et la médiatisation de figures qui émergèrent du Hirak, d'autres indices ont alerté Bensaada sur une volonté de déstabilisation de l'Algérie par les acteurs exogènes.

« Les demandes du Hirak ont connu une forte inflation à mesure que les vendredis se succédaient, même après l’écartement du président Bouteflika, qui était l'exigence initiale. Deux voies se sont alors dessinées : la voie constitutionnelle menant à des élections (prônée par l'institution militaire) et la voie de la phase transitoire demandée par une partie des manifestants. De « Djeich Chaab Khawa Khawa » (Armée peuple, frère frère), les slogans se sont durcis jusqu'à « Dawla Madaniya, Machi 3askaria » (État civil et non militaire). Après les élections de décembre 2019, les positions sont devenues inconciliables. Mais ce qui a attiré mon attention, c'est le fait que les ONG financées par les organismes américains qui étaient visibles dans le Hirak depuis de début, militaient toutes pour la phase transitoire. De plus, les « ténors » de cette option étaient très visibles dans les médias étrangers (surtout français) et la chaîne Al Magharibia (proche de l’ex-FIS) » explique Ahmed Bensaada. Selon lui, très peu de place était accordée aux partisans de la voie constitutionnelle ce qui traduisait une volonté d'alimenter la confrontation avec l'institution militaire et créer un climat de déstabilisation.

Ainsi l’urgence est désormais, selon lui, d'interdire ou d'encadrer strictement les financements de certaines ONG locales qui ont partie liée à des intérêts étrangers, comme l'ont fait la Russie, l'Égypte, l'Inde, le Venezuela etc. Mais cette option est loin de faire l'unanimité notamment chez les inconditionnels du Hirak qui accusent Bensaada de complotisme. « La question de l'ingérence étrangère a souvent été abordée et différentes réponses ont été données. La première est de dire que pour se débarrasser du pouvoir en place, la collaboration avec une puissance étrangère est indispensable et ce, quel que soit le prix à payer par la suite. La seconde, empreinte de naïveté, est d’accepter l'ingérence étrangère et d'en minimiser les conséquences. C'est le cas, par exemple, du cyberactiviste tunisien Slim Amamou qui a reconnu l'aide américaine mais nie l'ingérence : « Ce ne sont pas eux qui décident, c'est le peuple tunisien qui décide. Et eux, ils choisissent juste qui soutenir », a-t-il déclaré dans une interview. Enfin, la troisième relève d'une méconnaissance (voire ignorance) du phénomène d’ingérence étrangère car il est très peu médiatisé, ou même passé sous silence par les médias mainstream. D'autant plus que le concept a été galvaudé par sa surutilisation dans des campagnes de propagande. Cette conception, qui va souvent de pair avec une sanctification du Hirak, mène instinctivement à des accusations de complotisme et de conspirationnisme » conclut Ahmed Bensaada.


Version arabe

 

La sortie du nouveau livre de l'intellectuel algérien Ahmed Bensaada Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien ? (Éditions APIC, Alger, 2020) a suscité une levée de boucliers dans la presse locale et un virulent débat sur les réseaux sociaux. Cette publication qui lève le voile sur l'identité des acteurs ayant tenté d’instrumentaliser le mouvement de contestation en Algérie dans une logique carriériste ou pour le compte de puissances étrangères a valu à Ahmed Bensaada une série d'attaques personnelles. Pour l'auteur, accusé d'être un agent du pouvoir algérien qui chercherait à décrédibiliser le Hirak, ce déchainement de passions des journalistes ayant reconnu ne pas avoir lu le livre, reflète l’énorme indigence du système médiatique algérien, dont le fonctionnement est en parfaite contradiction avec les aspirations d'une Algérie nouvelle exigeant intégrité, transparence et déontologie. « Le Hirak a été considéré, depuis sa naissance, comme un objet sacré et tout embryon de critique est immédiatement jugé comme une hérésie. Alors que j'avais pensé que mon livre allait être une occasion pour ouvrir un débat sérieux sur le Hirak et ses différentes composantes, les attaques ad personam ont fusé, parasitant et paralysant toute initiative dans ce sens. Une technique vieille comme le monde : jeter le discrédit sur l'auteur pour le disqualifier et tuer dans l’œuf toute discussion » déplore Ahmed Bensaada qui regrette dans ces réactions un mélange de divinisation du Hirak et de naïveté d'analyse déconcertante au vue des soubresauts sanglants et dramatiques qu'a connu le Moyen-Orient depuis 2011.
L'idée du livre, qui s'inscrit dans la continuité des enquêtes précédentes de Bensaada sur le dispositif américain d’« exportation » de la démocratie à travers le monde via le rôle des ONG, est née en réaction à une déclaration du sociologue Lahouari Addi. Moins d'un mois après le début du Hirak, ce dernier a appelé à la démission du président de la République et proposer de solliciter Mustapha Bouchachi, Zoubida Assoul et Karim Tabbou pour exercer les prérogatives d'une présidence collégiale. Cette instance aurait été chargée de nommer un gouvernement provisoire pour expédier les affaires courantes et préparer les élections présidentielle et législative dans un délai de 6 à 12 mois. « J'ai trouvé étrange que pour un mouvement qu'on prétend sans leader, un triumvirat soit proposé aussi rapidement. Sur quels critères ces personnes ont-elles été choisies? Des sondages d’opinion ont-ils été organisés? Ces personnes se connaissaient-elles avant le Hirak? De quelle prérogative a usé M. Addi pour mettre en avant certains noms et pas d’autres ? Tout en évitant sciemment de traiter du cas de M. Tabbou ― étant donné qu'il est actuellement emprisonné et en attente d'un procès ― j'ai essayé de trouver des dénominateurs communs susceptibles de relier ces personnes. J'en ai décelé deux : premièrement, leur proximité avec les Etats-unis et deuxièmement leurs liens étroits avec des représentants du FIS (Front Islamique du Salut) dissous. Des dizaines de références ainsi qu’une importante section contenant divers documents relatifs au faits cités appuient cette double relation » explique Ahmed Bensaada qui pourrait prochainement faire l'objet de poursuites judiciaires. Lahouari Addi, a, en effet, déclaré dans un entretien pour le média Reporters : « dès que les conditions politiques s'éclairciront dans notre pays, je déposerais plainte contre l'auteur et contre la maison d’édition ». Pourtant, selon Ahmed Bensaada, son livre n’est nullement conçu comme un réquisitoire contre des personnes mais établi des faits relatifs à la foultitude de moyens utilisés par les organismes étasuniens afin de préparer une orientation des mouvements populaires lorsqu'ils se déclenchent. « Je tiens à préciser que ce ne sont pas ces organismes qui ont créé le Hirak ou toute autre révolte de la rue arabe. La contestation populaire est causée par de véritables problèmes de société mais par contre dès que la rue gronde et que les manifestations prennent de l'ampleur, les groupes formés à la « lutte non violente » et au cyberactivisme montent au créneau pour orienter idéologiquement la contestation avec l’appui d’un fort battage médiatique complaisant. Et c'est à ce moment que les agendas étrangers sont déployés » estime l'auteur. D'après lui, des ONG locales sont financées et leurs activistes formés par des organismes appartenant à un dispositif américain d’« exportation » de la démocratie, et servent donc de « cheval de Troie » qu'il est possible d'activer au temps opportun. Outre la NED et ses quatre satellites qui sont le NDI (National Democratic Institute), l’IRI (International Republican Institute), le Solidarity Center et le CIPE (Center for International Private Enterprise), ce dispositif regroupe l’USAID, Freedom House, le MEPI (Middle East Partnership Initiative), POMED (Project on Middle East Democracy) et l’OSI (Open Society Institute) appartenant aux fondations de George Soros. L'auteur constate, par ailleurs, de nombreuses similitudes entre le Hirak algérien de 2019 et le mouvement de contestation au Liban en 2015. « Tous les « ingrédients » observés au Liban, à savoir des ONG financées par les organismes américains d' « exportation » de la démocratie, la proximité de certains activistes avec l'ambassade américaine, la surmédiatisation des figures de la contestation par des médias complaisants, l'utilisation sur le terrain des techniques de la « lutte non violente » vulgarisées par les Serbes de CANVAS, l’usage efficace des nouvelles technologies, sont présents dans le Hirak algérien » explique t-il. Ahmed Bensaada avait déjà publié en avril 2019 un article fouillé sur les techniques utilisées dans le mouvement de contestation en Algérie et qui suivent à la lettre le manuel de CANVAS où sont recensées les 199 méthodes d'actions non violentes. Outre la maîtrise de ces techniques qui ne pouvait être, selon l'auteur, que le résultat de formations préalables, et la médiatisation de figures qui émergèrent du Hirak, d'autres indices ont alerté Bensaada sur une volonté de déstabilisation de l'Algérie par les acteurs exogènes. « Les demandes du Hirak ont connu une forte inflation à mesure que les vendredis se succédaient, même après l’écartement du président Bouteflika, qui était l'exigence initiale. Deux voies se sont alors dessinées : la voie constitutionnelle menant à des élections (prônée par l'institution militaire) et la voie de la phase transitoire demandée par une partie des manifestants. De « Djeich Chaab Khawa Khawa » (Armée peuple, frère frère), les slogans se sont durcis jusqu'à « Dawla Madaniya, Machi 3askaria » (État civil et non militaire). Après les élections de décembre 2019, les positions sont devenues inconciliables. Mais ce qui a attiré mon attention, c'est le fait que les ONG financées par les organismes américains qui étaient visibles dans le Hirak depuis de début, militaient toutes pour la phase transitoire. De plus, les « ténors » de cette option étaient très visibles dans les médias étrangers (surtout français) et la chaîne Al Magharibia (proche de l’ex-FIS) » explique Ahmed Bensaada. Selon lui, très peu de place était accordée aux partisans de la voie constitutionnelle ce qui traduisait une volonté d'alimenter la confrontation avec l'institution militaire et créer un climat de déstabilisation. Ainsi l’urgence est désormais, selon lui, d'interdire ou d'encadrer strictement les financements de certaines ONG locales qui ont partie liée à des intérêts étrangers, comme l'ont fait la Russie, l'Égypte, l'Inde, le Venezuela etc. Mais cette option est loin de faire l'unanimité notamment chez les inconditionnels du Hirak qui accusent Bensaada de complotisme. « La question de l'ingérence étrangère a souvent été abordée et différentes réponses ont été données. La première est de dire que pour se débarrasser du pouvoir en place, la collaboration avec une puissance étrangère est indispensable et ce, quel que soit le prix à payer par la suite. La seconde, empreinte de naïveté, est d’accepter l'ingérence étrangère et d'en minimiser les conséquences. C'est le cas, par exemple, du cyberactiviste tunisien Slim Amamou qui a reconnu l'aide américaine mais nie l'ingérence : « Ce ne sont pas eux qui décident, c'est le peuple tunisien qui décide. Et eux, ils choisissent juste qui soutenir », a-t-il déclaré dans une interview. Enfin, la troisième relève d'une méconnaissance (voire ignorance) du phénomène d’ingérence étrangère car il est très peu médiatisé, ou même passé sous silence par les médias mainstream. D'autant plus que le concept a été galvaudé par sa surutilisation dans des campagnes de propagande. Cette conception, qui va souvent de pair avec une sanctification du Hirak, mène instinctivement à des accusations de complotisme et de conspirationnisme » conclut Ahmed Bensaada.

La sortie du nouveau livre de l'intellectuel algérien Ahmed Bensaada Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien ? (Éditions APIC, Alger, 2020) a suscité une levée de boucliers dans la presse locale et un virulent débat sur les réseaux sociaux. Cette publication qui lève le voile sur l'identité des acteurs ayant tenté d’instrumentaliser le mouvement de contestation en Algérie dans une logique carriériste ou pour le compte de puissances étrangères a valu à Ahmed Bensaada une série d'attaques personnelles.

Pour l'auteur, accusé d'être un agent du pouvoir algérien qui chercherait à décrédibiliser le Hirak, ce déchainement de passions des journalistes ayant reconnu ne pas avoir lu le livre, reflète l’énorme indigence du système médiatique algérien, dont le fonctionnement est en parfaite contradiction avec les aspirations d'une Algérie nouvelle exigeant intégrité, transparence et déontologie. « Le Hirak a été considéré, depuis sa naissance, comme un objet sacré et tout embryon de critique est immédiatement jugé comme une hérésie. Alors que j'avais pensé que mon livre allait être une occasion pour ouvrir un débat sérieux sur le Hirak et ses différentes composantes, les attaques ad personam ont fusé, parasitant et paralysant toute initiative dans ce sens. Une technique vieille comme le monde : jeter le discrédit sur l'auteur pour le disqualifier et tuer dans l’œuf toute discussion » déplore Ahmed Bensaada qui regrette dans ces réactions un mélange de divinisation du Hirak et de naïveté d'analyse déconcertante au vu des soubresauts sanglants et dramatiques qu'a connu le Moyen-Orient depuis 2011.

L'idée du livre, qui s'inscrit dans la continuité des enquêtes précédentes de Bensaada sur le dispositif américain d’« exportation » de la démocratie à travers le monde via le rôle des ONG, est née en réaction à une déclaration du sociologue Lahouari Addi. Moins d'un mois après le début du Hirak, ce dernier a appelé à la démission du président de la République et proposer de solliciter Mustapha Bouchachi, Zoubida Assoul et Karim Tabbou pour exercer les prérogatives d'une présidence collégiale. Cette instance aurait été chargée de nommer un gouvernement provisoire pour expédier les affaires courantes et préparer les élections présidentielle et législative dans un délai de 6 à 12 mois. « J'ai trouvé étrange que pour un mouvement qu'on prétend sans leader, un triumvirat soit proposé aussi rapidement. Sur quels critères ces personnes ont-elles été choisies? Des sondages d’opinion ont-ils été organisés? Ces personnes se connaissaient-elles avant le Hirak? De quelle prérogative a usé M. Addi pour mettre en avant certains noms et pas d’autres ? Tout en évitant sciemment de traiter du cas de M. Tabbou ― étant donné qu'il est actuellement emprisonné et en attente d'un procès ― j'ai essayé de trouver des dénominateurs communs susceptibles de relier ces personnes. J'en ai décelé deux : premièrement, leur proximité avec les Etats-Unis et deuxièmement leurs liens étroits avec des représentants du FIS (Front Islamique du Salut) dissous. Des dizaines de références ainsi qu’une importante section contenant divers documents relatifs au faits cités appuient cette double relation » explique Ahmed Bensaada qui pourrait prochainement faire l'objet de poursuites judiciaires.

Lahouari Addi, a, en effet, déclaré dans un entretien pour le média Reporters : « dès que les conditions politiques s'éclairciront dans notre pays, je déposerais plainte contre l'auteur et contre la maison d’édition ». Pourtant, selon Ahmed Bensaada, son livre n’est nullement conçu comme un réquisitoire contre des personnes mais établi des faits relatifs à la foultitude de moyens utilisés par les organismes étasuniens afin de préparer une orientation des mouvements populaires lorsqu'ils se déclenchent.

« Je tiens à préciser que ce ne sont pas ces organismes qui ont créé le Hirak ou toute autre révolte de la rue arabe. La contestation populaire est causée par de véritables problèmes de société mais par contre dès que la rue gronde et que les manifestations prennent de l'ampleur, les groupes formés à la « lutte non violente » et au cyberactivisme montent au créneau pour orienter idéologiquement la contestation avec l’appui d’un fort battage médiatique complaisant. Et c'est à ce moment que les agendas étrangers sont déployés » estime l'auteur. D'après lui, des ONG locales sont financées et leurs activistes formés par des organismes appartenant à un dispositif américain d’« exportation » de la démocratie, et servent donc de « cheval de Troie » qu'il est possible d'activer au temps opportun. Outre la NED et ses quatre satellites qui sont le NDI (National Democratic Institute), l’IRI (International Republican Institute), le Solidarity Center et le CIPE (Center for International Private Enterprise), ce dispositif regroupe l’USAID, Freedom House, le MEPI (Middle East Partnership Initiative), POMED (Project on Middle East Democracy) et l’OSI (Open Society Institute) appartenant aux fondations de George Soros.

L'auteur constate, par ailleurs, de nombreuses similitudes entre le Hirak algérien de 2019 et le mouvement de contestation au Liban en 2015. « Tous les « ingrédients » observés au Liban, à savoir des ONG financées par les organismes américains d'« exportation » de la démocratie, la proximité de certains activistes avec l'ambassade américaine, la surmédiatisation des figures de la contestation par des médias complaisants, l'utilisation sur le terrain des techniques de la « lutte non violente » vulgarisées par les Serbes de CANVAS, l’usage efficace des nouvelles technologies, sont présents dans le Hirak algérien » explique-t-il.

Ahmed Bensaada avait déjà publié en avril 2019 un article fouillé sur les techniques utilisées dans le mouvement de contestation en Algérie et qui suivent à la lettre le manuel de CANVAS où sont recensées les 199 méthodes d'actions non violentes. Outre la maîtrise de ces techniques qui ne pouvait être, selon l'auteur, que le résultat de formations préalables, et la médiatisation de figures qui émergèrent du Hirak, d'autres indices ont alerté Bensaada sur une volonté de déstabilisation de l'Algérie par les acteurs exogènes.

« Les demandes du Hirak ont connu une forte inflation à mesure que les vendredis se succédaient, même après l’écartement du président Bouteflika, qui était l'exigence initiale. Deux voies se sont alors dessinées : la voie constitutionnelle menant à des élections (prônée par l'institution militaire) et la voie de la phase transitoire demandée par une partie des manifestants. De « Djeich Chaab Khawa Khawa » (Armée peuple, frère frère), les slogans se sont durcis jusqu'à « Dawla Madaniya, Machi 3askaria » (État civil et non militaire). Après les élections de décembre 2019, les positions sont devenues inconciliables. Mais ce qui a attiré mon attention, c'est le fait que les ONG financées par les organismes américains qui étaient visibles dans le Hirak depuis de début, militaient toutes pour la phase transitoire. De plus, les « ténors » de cette option étaient très visibles dans les médias étrangers (surtout français) et la chaîne Al Magharibia (proche de l’ex-FIS) » explique Ahmed Bensaada. Selon lui, très peu de place était accordée aux partisans de la voie constitutionnelle ce qui traduisait une volonté d'alimenter la confrontation avec l'institution militaire et créer un climat de déstabilisation.

Ainsi l’urgence est désormais, selon lui, d'interdire ou d'encadrer strictement les financements de certaines ONG locales qui ont partie liée à des intérêts étrangers, comme l'ont fait la Russie, l'Égypte, l'Inde, le Venezuela etc. Mais cette option est loin de faire l'unanimité notamment chez les inconditionnels du Hirak qui accusent Bensaada de complotisme. « La question de l'ingérence étrangère a souvent été abordée et différentes réponses ont été données. La première est de dire que pour se débarrasser du pouvoir en place, la collaboration avec une puissance étrangère est indispensable et ce, quel que soit le prix à payer par la suite. La seconde, empreinte de naïveté, est d’accepter l'ingérence étrangère et d'en minimiser les conséquences. C'est le cas, par exemple, du cyberactiviste tunisien Slim Amamou qui a reconnu l'aide américaine mais nie l'ingérence : « Ce ne sont pas eux qui décident, c'est le peuple tunisien qui décide. Et eux, ils choisissent juste qui soutenir », a-t-il déclaré dans une interview. Enfin, la troisième relève d'une méconnaissance (voire ignorance) du phénomène d’ingérence étrangère car il est très peu médiatisé, ou même passé sous silence par les médias mainstream. D'autant plus que le concept a été galvaudé par sa surutilisation dans des campagnes de propagande. Cette conception, qui va souvent de pair avec une sanctification du Hirak, mène instinctivement à des accusations de complotisme et de conspirationnisme » conclut Ahmed Bensaada.

La sortie du nouveau livre de l'intellectuel algérien Ahmed Bensaada Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien ? (Éditions APIC, Alger, 2020) a suscité une levée de boucliers dans la presse locale et un virulent débat sur les réseaux sociaux. Cette publication qui lève le voile sur l'identité des acteurs ayant tenté d’instrumentaliser le mouvement de contestation en Algérie dans une logique carriériste ou pour le compte de puissances étrangères a valu à Ahmed Bensaada une série d'attaques personnelles.

Pour l'auteur, accusé d'être un agent du pouvoir algérien qui chercherait à décrédibiliser le Hirak, ce déchainement de passions des journalistes ayant reconnu ne pas avoir lu le livre, reflète l’énorme indigence du système médiatique algérien, dont le fonctionnement est en parfaite contradiction avec les aspirations d'une Algérie nouvelle exigeant intégrité, transparence et déontologie. « Le Hirak a été considéré, depuis sa naissance, comme un objet sacré et tout embryon de critique est immédiatement jugé comme une hérésie. Alors que j'avais pensé que mon livre allait être une occasion pour ouvrir un débat sérieux sur le Hirak et ses différentes composantes, les attaques ad personam ont fusé, parasitant et paralysant toute initiative dans ce sens. Une technique vieille comme le monde : jeter le discrédit sur l'auteur pour le disqualifier et tuer dans l’œuf toute discussion » déplore Ahmed Bensaada qui regrette dans ces réactions un mélange de divinisation du Hirak et de naïveté d'analyse déconcertante au vu des soubresauts sanglants et dramatiques qu'a connu le Moyen-Orient depuis 2011.

L'idée du livre, qui s'inscrit dans la continuité des enquêtes précédentes de Bensaada sur le dispositif américain d’« exportation » de la démocratie à travers le monde via le rôle des ONG, est née en réaction à une déclaration du sociologue Lahouari Addi. Moins d'un mois après le début du Hirak, ce dernier a appelé à la démission du président de la République et proposer de solliciter Mustapha Bouchachi, Zoubida Assoul et Karim Tabbou pour exercer les prérogatives d'une présidence collégiale. Cette instance aurait été chargée de nommer un gouvernement provisoire pour expédier les affaires courantes et préparer les élections présidentielle et législative dans un délai de 6 à 12 mois. « J'ai trouvé étrange que pour un mouvement qu'on prétend sans leader, un triumvirat soit proposé aussi rapidement. Sur quels critères ces personnes ont-elles été choisies? Des sondages d’opinion ont-ils été organisés? Ces personnes se connaissaient-elles avant le Hirak? De quelle prérogative a usé M. Addi pour mettre en avant certains noms et pas d’autres ? Tout en évitant sciemment de traiter du cas de M. Tabbou ― étant donné qu'il est actuellement emprisonné et en attente d'un procès ― j'ai essayé de trouver des dénominateurs communs susceptibles de relier ces personnes. J'en ai décelé deux : premièrement, leur proximité avec les Etats-Unis et deuxièmement leurs liens étroits avec des représentants du FIS (Front Islamique du Salut) dissous. Des dizaines de références ainsi qu’une importante section contenant divers documents relatifs au faits cités appuient cette double relation » explique Ahmed Bensaada qui pourrait prochainement faire l'objet de poursuites judiciaires.

 

Lahouari Addi, a, en effet, déclaré dans un entretien pour le média Reporters : « dès que les conditions politiques s'éclairciront dans notre pays, je déposerais plainte contre l'auteur et contre la maison d’édition ». Pourtant, selon Ahmed Bensaada, son livre n’est nullement conçu comme un réquisitoire contre des personnes mais établi des faits relatifs à la foultitude de moyens utilisés par les organismes étasuniens afin de préparer une orientation des mouvements populaires lorsqu'ils se déclenchent.

« Je tiens à préciser que ce ne sont pas ces organismes qui ont créé le Hirak ou toute autre révolte de la rue arabe. La contestation populaire est causée par de véritables problèmes de société mais par contre dès que la rue gronde et que les manifestations prennent de l'ampleur, les groupes formés à la « lutte non violente » et au cyberactivisme montent au créneau pour orienter idéologiquement la contestation avec l’appui d’un fort battage médiatique complaisant. Et c'est à ce moment que les agendas étrangers sont déployés » estime l'auteur. D'après lui, des ONG locales sont financées et leurs activistes formés par des organismes appartenant à un dispositif américain d’« exportation » de la démocratie, et servent donc de « cheval de Troie » qu'il est possible d'activer au temps opportun. Outre la NED et ses quatre satellites qui sont le NDI (National Democratic Institute), l’IRI (International Republican Institute), le Solidarity Center et le CIPE (Center for International Private Enterprise), ce dispositif regroupe l’USAID, Freedom House, le MEPI (Middle East Partnership Initiative), POMED (Project on Middle East Democracy) et l’OSI (Open Society Institute) appartenant aux fondations de George Soros.

L'auteur constate, par ailleurs, de nombreuses similitudes entre le Hirak algérien de 2019 et le mouvement de contestation au Liban en 2015. « Tous les « ingrédients » observés au Liban, à savoir des ONG financées par les organismes américains d'« exportation » de la démocratie, la proximité de certains activistes avec l'ambassade américaine, la surmédiatisation des figures de la contestation par des médias complaisants, l'utilisation sur le terrain des techniques de la « lutte non violente » vulgarisées par les Serbes de CANVAS, l’usage efficace des nouvelles technologies, sont présents dans le Hirak algérien » explique-t-il.

Ahmed Bensaada avait déjà publié en avril 2019 un article fouillé sur les techniques utilisées dans le mouvement de contestation en Algérie et qui suivent à la lettre le manuel de CANVAS où sont recensées les 199 méthodes d'actions non violentes. Outre la maîtrise de ces techniques qui ne pouvait être, selon l'auteur, que le résultat de formations préalables, et la médiatisation de figures qui émergèrent du Hirak, d'autres indices ont alerté Bensaada sur une volonté de déstabilisation de l'Algérie par les acteurs exogènes.

« Les demandes du Hirak ont connu une forte inflation à mesure que les vendredis se succédaient, même après l’écartement du président Bouteflika, qui était l'exigence initiale. Deux voies se sont alors dessinées : la voie constitutionnelle menant à des élections (prônée par l'institution militaire) et la voie de la phase transitoire demandée par une partie des manifestants. De « Djeich Chaab Khawa Khawa » (Armée peuple, frère frère), les slogans se sont durcis jusqu'à « Dawla Madaniya, Machi 3askaria » (État civil et non militaire). Après les élections de décembre 2019, les positions sont devenues inconciliables. Mais ce qui a attiré mon attention, c'est le fait que les ONG financées par les organismes américains qui étaient visibles dans le Hirak depuis de début, militaient toutes pour la phase transitoire. De plus, les « ténors » de cette option étaient très visibles dans les médias étrangers (surtout français) et la chaîne Al Magharibia (proche de l’ex-FIS) » explique Ahmed Bensaada. Selon lui, très peu de place était accordée aux partisans de la voie constitutionnelle ce qui traduisait une volonté d'alimenter la confrontation avec l'institution militaire et créer un climat de déstabilisation.

Ainsi l’urgence est désormais, selon lui, d'interdire ou d'encadrer strictement les financements de certaines ONG locales qui ont partie liée à des intérêts étrangers, comme l'ont fait la Russie, l'Égypte, l'Inde, le Venezuela etc. Mais cette option est loin de faire l'unanimité notamment chez les inconditionnels du Hirak qui accusent Bensaada de complotisme. « La question de l'ingérence étrangère a souvent été abordée et différentes réponses ont été données. La première est de dire que pour se débarrasser du pouvoir en place, la collaboration avec une puissance étrangère est indispensable et ce, quel que soit le prix à payer par la suite. La seconde, empreinte de naïveté, est d’accepter l'ingérence étrangère et d'en minimiser les conséquences. C'est le cas, par exemple, du cyberactiviste tunisien Slim Amamou qui a reconnu l'aide américaine mais nie l'ingérence : « Ce ne sont pas eux qui décident, c'est le peuple tunisien qui décide. Et eux, ils choisissent juste qui soutenir », a-t-il déclaré dans une interview. Enfin, la troisième relève d'une méconnaissance (voire ignorance) du phénomène d’ingérence étrangère car il est très peu médiatisé, ou même passé sous silence par les médias mainstream. D'autant plus que le concept a été galvaudé par sa surutilisation dans des campagnes de propagande. Cette conception, qui va souvent de pair avec une sanctification du Hirak, mène instinctivement à des accusations de complotisme et de conspirationnisme » conclut Ahmed Bensaada.

 

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